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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/151

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LA DIVISION DU TRAVAIL

machine. Un certain « rabougrissement du corps et de l’esprit » des masses est donc inséparable de la division du travail telle que la grande industrie l’organise, elle réduit l’ouvrier à n’être plus qu’une partie d’un homme ; elle en fait un « travailleur parcellaire » ; elle empêche son développement intégral.

On dit quelquefois aujourd’hui que le socialisme est l’héritier véritable de l’individualisme, qu’il est « l’individualisme logique et complet », et que toutes les revendications formulées au nom des droits de la personne humaine, il se les est incorporées. Nulle part cette incorporation n’est plus manifeste que dans la question de la division du travail. Contre cette mutilation de l’homme par la machine, le socialisme recueille et reprend à son compte les protestations les plus véhémentes. Il répète les formules de Schiller et d’Urquhardt : « Tout ce qui devait être un a été violemment séparé. Éternellement enchaîné à une fraction du tout, l’homme ne se développe aussi que comme une fraction : au lieu d’empreindre l’humanité dans sa nature, il ne devient qu’une simple empreinte de ce qu’il fait ». « Subdiviser un homme, c’est l’exécuter s’il a mérité une sentence de mort : c’est l’assassiner s’il ne le mérite pas. La subdivision du travail est l’assassinat d’un peuple. »

Qu’en s’appropriant ces protestations, le socialisme ait exagéré les effets réels de la division du travail dans les fabriques, que le service des machines, par la culture technique générale qu’il exige, ait contribué à élever plutôt qu’à abaisser le niveau mental de la classe ouvrière, c’est ce qui est probable. Des enquêtes sur l’influence du machinisme démontreraient sans doute