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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/153

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LA DIVISION DU TRAVAIL

métier dépose son empreinte de plus en plus profonde non seulement sur l’individu, mais sur sa descendance. Pour peu que des générations assez nombreuses se succèdent dans l’exercice d’une même profession, c’est vraiment une race qui se forme. Et ainsi s’explique ce fait que tous ou presque tous les groupes sociaux comprennent des sous-groupes, distincts non seulement par le costume et les coutumes, mais par des facultés mentales liées elles-mêmes à des dispositions physiques, et qui sont comme autant de « variétés » humaines.

Quelles exagérations et quelles confusions se cachent sous cette thèse, il n’a pas été difficile de le faire remarquer. Elle fait fond d’abord sur la théorie de l’hérédité des qualités acquises, — théorie qui n’est, aux yeux de nombre de biologistes, rien moins que démontrée : en admettant que des qualités simples et générales se transmettent de père en fils, il en est tout autrement de ces systèmes complexes d’aptitudes qui sont nécessaires à l’exercice d’un métier spécial. Quant à vérifier cette thèse sur l’étude directe des faits sociaux, c’est ce qui est sans doute impossible : étant donné que dans les cas relativement rares où des générations assez nombreuses se succèdent entre les cadres d’une même profession, l’action de l’éducation sous toutes ses formes masque celle de l’hérédité, et empêche de décider si les qualités de métier sont bien affaires de race. Que si d’ailleurs on regarde de près les cas les plus favorables à la thèse, — et si l’on examine par exemple les conséquences du régime des castes dans la société hindoue, — on s’aperçoit qu’il n’est nullement certain que des aptitudes héréditaires spéciales y correspondent à la séparation séculaire des professions. A fortiori, s’il s’agissait des