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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/165

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LA DIVISION DU TRAVAIL

lité des situations économiques telle que l’une des parties soit talonnée par la nécessité et forcée ainsi de se plier à n’importe quelles exigences, il y a trop de chances pour qu’il n’y ait pas équivalence dans les « causes ». L’un des contractants n’acceptera que des lèvres, non du cœur, des clauses qu’il n’aura pas débattues en pleine liberté. Ici encore c’est la contrainte, non la spontanéité qui dominera dans les rapports auxquels donnera lieu la division du travail ; et par suite c’est un état de guerre, déclarée ou latente, qu’elle engendrera, bien plutôt qu’un état de paix sociale.

Il faut donc le reconnaître ; pour qu’elle produise ce qu’on attend d’elle, pour qu’elle harmonise les consciences il faut qu’une certaine structure sociale soit préalablement donnée. La division du travail ne porte pas sa moisson de solidarité dans tous les terrains. Que lui fasse défaut un certain milieu juridico-économique, que manque une certaine dose d’égalité, que la disproportion des conditions économiques aille croissant, et l’on pourra constater que la division du travail oppose bien plutôt qu’elle n’unit.

D’ailleurs, l’égalité des conditions fût-elle réalisée, il s’en faudrait encore que la division du travail imprimât d’elle-même aux individus cette habitude de régler leur activité, de se « contrôler » eux-mêmes en vue les uns des autres, sans laquelle il n’y a pas de vie morale. Et en effet pour que nous contractions de pareilles habitudes il faut une pression et comme une conspiration des circonstances journalières ; il faut que nous soyons rappelés à l’ordre par un groupe permanent, qui consacre ces règles de conduite de son autorité. Seules des associations de ce genre sont capables de sauvegarder