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QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

Que d’ailleurs les individus ainsi classés ne soient pas seulement des exemplaires de ces classes, que la qualité de militaire ou de bicycliste n’épuise pas toutes leurs qualités, cela va de soi. Ils n’appartiennent pas à un seul cercle social, mais à plusieurs, qui se pénètrent : on peut être bicycliste, sinon orphéoniste, en même temps qu’homme du monde : et il y a longtemps qu’on a remarqué que, pour être militaire, on n’en est pas moins homme. Il est rare qu’un individu ne ressortisse qu’à une société. Peut-être trouverait-on, en remontant jusqu’au déluge, un membre de tribu qui ne serait que membre de sa tribu, sans plus. Mais le progrès de la civilisation multiplie les groupes dont les individus dépendent ; et il semble que plus on est civilisé, plus on compte de ces dépendances. De combien de sociétés notre homme du monde ne fait-il pas partie, depuis l’Église dont il est un fidèle jusqu’à la Société d’Émulation dont il est le secrétaire, depuis la famille dont il est le père jusqu’à l’armée dont il est un soldat ?

En même temps que le nombre infini, cette revue rapide nous laisse apercevoir l’infinie diversité des sociétés. Il y en a d’éphémères, comme celles qui réunissent des voyageurs autour d’une table d’hôte, et il y en a de séculaires, plus vieilles que les cathédrales où elles réunissent leurs croyants ; il y en a d’étroites, comme celles des orphéonistes de Saint-Pol, et il y en a de larges, unissant, par-dessus les montagnes et par delà les mers, les classes ouvrières ou les corps savants. Cercles immenses ou minuscules, cercles rigides ou fluides, cercles de fumée, aussitôt évanouis que formés, cercles de pierres, scellés par les mains des prêtres, cercles de fer, forges par les mains des guer-