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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/50

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QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

peut difficilement décider entre ces théories. Peut-être ici encore, à l’exemple de la plupart de ses aînées, la sociologie doit-elle simplement laisser à la métaphysique, ou réserver du moins pour la fin de la science les questions d’origine, et prendre la société comme donnée : la société étant donnée, quelles forces modifient ses formes, voilà des questions auxquelles on peut répondre par l’observation.

Des forces d’ailleurs très différentes se montrent capables de pareilles modifications, forces qu’on peut appeler naturelles ou physiques, comme la race ou le sol, forces qu’on peut appeler psychologiques, comme les besoins, les sentiments, les goûts, les idées.

L’idée de la race a longtemps dominé l’histoire, et il n’est pas étonnant, après qu’on a essayé d’expliquer presque tous les grands événements historiques par l’antagonisme des races, qu’on essaie d’expliquer par la différence des races la différence des formes sociales. La différence qui sépare les institutions de Sparte des institutions d’Athènes n’a-t-elle pas été souvent attribuée à la différence qui sépare la race dorienne de la race ionienne ? N’a-t-on pas distingué encore, pour rendre compte, en gros, des traits qui opposent les formes sociales d’Orient aux formes sociales d’Occident, des races passives, prédestinées à la subordination, et des races actives, prédestinées à l’égalité ? Que de gens enfin ont répété que les Germains avaient apporté à l’Europe, avec leur sang, pour ainsi dire, l’idée du droit individuel et de la liberté !

Et sans doute il y a lieu de limiter la valeur de ces considérations ethnographiques. Il est aisé de reconnaître que, chez des races très différentes, des formes