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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/92

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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

pourrait-on dire, des comptes à rendre à la raison : l’espoir ne leur est pas interdit non seulement de discerner des faits dominants, mais de démêler des tendances générales, peut-être même de formuler les lois rationnelles.

Dans quelle mesure l’histoire proprement dite — l’histoire appliquée aux sociétés humaines — peut-elle prendre sa part de ces diverses espérances ? C’est ce qu’il nous reste à rechercher.

Un volcan a son histoire comme une ville. Le développement de la nature, aussi bien que celui des sociétés humaines, implique des faits inexpliqués pourtant nécessaires aux explications. Mais il est clair que lorsqu’on passe de la nature aux sociétés, le nombre et le prix de ces faits montent brusquement. « On nage ici en pleine histoire », dit Cournot ; c’est-à-dire que la part du hasard est si démesurément grossie qu’il semble au premier abord que la raison n’ait plus qu’à abdiquer.

Et en effet on relèverait bien des expressions de Cournot qui semblent accorder que l’effort d’organisation scientifique est désormais hors de propos. Ce n’est plus le temps, ici, de faire abstraction des individus : « l’individuel, le fait particulier avec ce qu’il a de privativement caractéristique est ce qui fixe et doit fixer notre attention » ; l’influence des « grandes individualités », les « coups de la Fortune », les « singularités de la destinée », voilà ce qui passe fatalement au premier plan[1].

  1. Traité, II, 322.