Ils allaient réveillant les âmes assoupies,
Ils montraient de la main l’horizon souhaité,
Et sous le manteau d’or des saintes utopies
Le monde à son déclin couvrait sa nudité !
Ils ont bu la ciguë et vidé les calices,
Sur le gibet infâme on a cloué leurs chairs ;
Mais ils te souriaient au milieu des supplices,
Et sont morts l’œil fixé sur ton calme univers !
Ne les méprise pas ! les destins inflexibles
Ont posé la limite à tes pas mesurés :
Vers le rayonnement des choses impossibles
Tu tendras, comme nous, des bras désespérés.
Ne les méprise pas ! tu connaîtras toi-même,
Sous ce soleil plus large étalé dans tes cieux,
Ce qu’il faut de douleur pour crier un blasphème,
Et ce qu’il faut d’amour pour pardonner aux dieux !
Tu n’es pas le dernier ! d’autres viennent encore
Qui te succéderont dans l’immense avenir !
Toujours, sur les tombeaux, se lèvera l’aurore,
Jusqu’au temps inconnu qui ne doit pas finir.
Et quand tu tomberas sous le poids des années,
L’être renouvelé par l’implacable loi,
Prêt à partir lui-même au vent des destinées,
Se dressera plus fort et plus brillant que toi !