Page:Bouilhet - Dernières chansons.djvu/19

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Qui vont tirant au sort et lambeau par lambeau
Se partagent, Seigneur, ta robe et ton manteau ;
Charlatans du saint lieu, qui vendent, ô merveille,
Ton cœur en amulette et ton sang en bouteille !

Il faut se remettre en mémoire les préoccupations de l’époque, et observer que l’auteur avait vingt-deux ans. La pièce est datée 1844.

La troisième était une invective « à un poëte vendu » qui rentrait tout à coup dans la carrière :

À quoi bon réveiller ton ardeur famélique ?
Poursuis par les prés verts ta chaste bucolique !
Sur le rivage en fleur où dort le flot vermeil,
Archange, enivre-toi des feux de ton soleil !
Chante la Syphilis sous les feuilles du saule !
Le manteau de Brutus te blesserait l’épaule,
Et ton âme naïve et ton cœur enfantin
Viendraient, peut-être encore, accuser le Destin !
Le destin qui t’a pris.............
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Va ! c’est l’âpre Plutus qui marche la main pleine
Et cote en souriant la conscience humaine !
Le Destin ! c’est le sac dont le ventre enflé d’or
Est si doux à palper dans un joyeux transport ;
C’est la Corruption qui, des monts aux vallées,
Traîne aux regards de tous ses mamelles gonflées !
C’est la Peur ! c’est la Peur ! fantôme au pied léger
Qui travaille le lâche à l’heure du danger !
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