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que le cœur étouffait trop, il se soulageait par des vers lyriques de la contrainte du théâtre.

La chance, favorable à ses débuts, avait tourné ; mais la Conjuration d’Amboise fut une revanche qui dura tout un hiver.

Six mois plus tard, la place de conservateur à la bibliothèque municipale de Rouen lui fut donnée. C’était le loisir et la fortune, un rêve ancien qui se réalisait. Presque aussitôt, une langueur le saisit, — épuisement de sa lutte trop longue. Pour s’en distraire, il essaya de différents travaux, il annotait Dubartas, relevait dans Origène les passages de Celse, avait repris les tragiques grecs, et il composa rapidement sa dernière pièce, Mademoiselle Aïssé.

Il n’eut pas le temps de la relire. Son mal (une albuminurie connue trop tard) était irrémédiable, et le 18 juillet 1869, il expira sans douleur, ayant près de lui une vieille amie de sa jeunesse, avec un enfant qui n’était pas le sien, et qu’il chérissait comme son fils.

Leur tendresse avait redoublé pendant les derniers jours. Mais deux autres personnes se montrèrent simplement atroces, — comme pour confirmer cette règle qui veut que les poëtes trouvent dans leur famille les plus amers découragements ; car les observations énervantes, les sarcasmes mielleux, l’outrage direct fait à la Muse, tout ce qui renfonce dans le désespoir,