Page:Bouilhet - Dernières chansons.djvu/40

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simple ; avec deux ou trois mots : « avenir, progrès, société », fussiez-vous Topinambou, vous êtes poëte ! Tâche commode qui encourage les imbéciles et console les envieux. Ô médiocratie fétide, poésie utilitaire, littérature de pions, bavardages esthétiques, vomissements économiques, produits scrofuleux d’une nation épuisée, je vous exècre de toutes les puissances de mon âme ! Vous n’êtes pas la gangrène, vous êtes l’atrophie ! Vous n’êtes pas le phlegmon rouge et chaud des époques fiévreuses, mais l’abcès froid aux bords pâles, qui descend, comme d’une source, de quelque carie profonde ! »

Au lendemain de sa mort, Théophile Gautier écrivait : « Il portait haut la vieille bannière déchirée de tant de combats, on peut l’y rouler comme dans un linceul. La valeureuse bande d’Hernani a vécu. »

Cela est vrai. Ce fut une existence complètement dévouée à l’idéal, un des rares desservants de la littérature pour elle-même, derniers fanatiques d’une religion près de s’éteindre — ou éteinte.

« Génie de second ordre, » dira-t-on. Mais ceux du quatrième ne sont pas maintenant si communs ! Regardez comme le désert s’élargit ! un souffle de bêtise, une trombe de vulgarité nous enveloppe, prêt à recouvrir toute élévation, toute délicatesse. On se sent heureux de ne plus respecter les grands hommes, et