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MELÆNIS


Les lieux prennent leur part de la tristesse humaine,
Et nous laissons au mur l’ombre de notre cœur ;
On jugeait, en entrant, que la magicienne
Courbait son front plus bas, sous le poids du malheur ;
La pierre des pavés semblait suer la peine,
Et tout l’antre gémir d’une immense douleur !

Melænis s’arrêta : « Toi, qui sais tout sur terre
» Et dont l’art souverain marche au niveau des dieux,
» Je l’aimais !… j’étais folle ! il a ri de mes feux !…
» Venge-moi !… » Puis, soudain, pour aider sa prière,
Elle jeta de l’or, luisant dans la poussière ;
La vieille, à cet aspect, crispa ses doigts nerveux ;

Un feu rapide et clair jaillit de sa prunelle :
« Ces philtres, ces onguents, tout est pour toi, dit-elle,
» Parle ! » Et sa main glacée entraînait Melænis ;