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passèrent la mer Rouge et errèrent pendant 40 ans dans le désert, avant d'atteindre la Terre-Promise. Moïse étant mort, Josué lui succéda, en 1605 : il établit ses compatriotes dans la Terre-Promise, et partagea le pays entre les 12 tribus. Après Josué (1580), le gouvernement fut confié à un conseil d'anciens, puis à des Juges, de 1554 à 1080; il devint ensuite monarchique. Les Juifs eurent pour premier roi Saül (1080), et après lui David (1040) et Salomon (1001-962). Ces trois princes étendirent au loin la domination des Hébreux : pendant un instant leur royaume eut pour bornes l'Euphrate et la mer Rouge. Mais en 962, à la mort de Salomon, les tribus se divisèrent, et formèrent deux États : le roy. de Juda, qui resta fidèle à Roboam, fils de Salomon, et le roy. d'Israël, qui élut pour roi Jéroboam (V. JUDA et ISRAËL). Les deux royaumes, affaiblis par ce schisme et déchirés par de perpétuelles discordes, finirent par être asservis : le roy. d'Israël fut renversé par Salmanasar, roi d'Assyrie dès 718, et le roy. de Juda par Nabuchodonosor II, qui en 606 emmena en captivité à Babylone une partie des habitants, et qui, en 587, prit Jérusalem d'assaut et détruisit le temple de Salomon. Après une captivité de 70 ans (606-536), les Juifs obtinrent de Cyrus la permission de rentrer dans leur patrie; depuis cette époque, ils furent gouvernés par des grands prêtres. Après la conquête de la Perse, la Judée passa successivement sous la domination d'Alexandre (332), de Ptolémée, roi d’Égypte (320), de Séleucus Nicator, roi de Syrie (300-279) ; puis elle fut restituée aux rois d’Égypte (279-203), et enfin rentra sous le joug des Séleucides (203-169). Accablés de vexations et persécutés dans leur culte, les Juifs se soulèvent contre les rois de Syrie sous la conduite des Macchabées (169), et se rendent indépendants. Les Macchabées, vainqueurs, reçoivent la souveraineté héréditaire, d'abord sous le titre de grands pontifes, de 166 à 107, puis sous celui de rois, de 107 à 40 (V. MACCHABÉES). Des divisions survenues dans la famille royale amènent en 65 av. J.-C. une intervention des Romains, qui bientôt prennent la plus grande influence. Protégé par eux, Hérode se place sur le trône des Macchabées (40 av. J.-C.) : c'est sous son règne que naît le Sauveur. Après la mort d'Hérode, la Palestine est distribuée entre ses fils et divisée en 4 tétrarchies (Judée, Galilée, Batanée, Iturée) ; mais, au bout de peu d'années, les Romains envoient dans le pays des procurateurs qui gouvernent en leur nom, et bientôt ils sont les seuls maîtres. Les Juifs, impatients du joug, se révoltèrent plusieurs fois : en 70, Titus s'empara de Jérusalem après une guerre de plusieurs années et un siège meurtrier de sept mois; enfin, à la suite d'une dernière révolte, la ville fut prise de nouveau sous Adrien, l'an 135 : les Juifs furent en grande partie exterminés, et ce qui restait fut à jamais chassé de Jérusalem. Depuis lors, les Juifs n'ont plus formé un corps de nation, et ils se sont disperses sur toute la terre. Lorsque le Christianisme fut devenu la religion de l'empire, leur sort ne fit qu'empirer. En 418, le service militaire leur fut interdit et on voulut les contraindre à recevoir le baptême. L'empereur Héraclius lança contre eux de nouvelles et terribles ordonnances (610). Ils furent moins maltraités par l'Islamisme : sous le règne des califes, les Juifs d'Asie, d'Afrique et d'Espagne purent en paix se livrer au commerce et cultiver les lettres et les sciences. Dans l'Europe chrétienne, au contraire, surtout au temps des croisades, ils eurent à subir toutes sortes de persécutions ; ils se virent même à différentes époques forcés d'acheter à prix d'or le droit de vivre et de commercer; on leur fit porter des marques distinctives sur leurs habits (depuis le XIIIe siècle); dans chaque ville on les relégua dans un quartier séparé (appelé ghetto en Italie). Chassés de l'Angleterre en 1290, du midi de la France en 1395, d'Espagne et de Sicile en 1492, ils parvinrent cependant presque toujours à se faire rappeler, mais ce ne fut qu'en payant des sommes immenses. On les tolérait en Allemagne, mais ils y étaient la propriété des empereurs ou des seigneurs, qui les imposaient, les vendaient, les mettaient en gage à leur gré. L'établissement de l'Inquisition ranima encore contre eux les persécutions, surtout dans les États soumis à la domination espagnole. Cependant ils obtinrent quelque repos à dater du XVIe s. En France, ils furent admis à séjourner à Bayonne et à Bordeaux dès 1550; en 1784, ils furent exemptés de la capitation à laquelle ils étaient auparavant soumis; en 1791 l'Assemblée constituante, sur la proposition du prêtre Grégoire, leur accorda l'égalité des droits; depuis 1831, les ministres de leur culte sont, comme ceux des autres religions, payés par l'État, et les Juifs ne relèvent, pour tout ce qui concerne leur culte, que d'un Consistoire israélite, élu par eux-mêmes. La plupart des États de l'Europe, suivant l'exemple de la France, ont considérablement adouci leur sort. Les Juifs sont actuellement répandus dans toutes les parties du monde, mais c'est surtout en Allemagne, en Pologne et dans le nord de l'Afrique, particulièrement dans l'Algérie, qu'ils sont le plus nombreux : on évalue à 4 millions leur nombre total. Quoique mêlés depuis 18 siècles à tant de nations diverses, ils ont conservé, non-seulement leur religion et leurs usages, mais un certain type national, dont les traits les plus saillants sont des cheveux roux et un nez aquilin.

II. Mœurs, littérature, religion. Les Juifs appartiennent à la race sémitique, ainsi que le prouve leur langue, qui est voisine de l'arabe, du syriaque et du chaldéen. Leur vie primitive fut patriarcale, pastorale, nomade peut-être (au moins dans le désert, au temps de Moïse). D'après la Bible, ils avaient beaucoup de vices, et ils y joignaient la superstition, le penchant à l'idolâtrie, l'esprit de discorde et de révolte. Quand ils eurent été fixés en Palestine, l'agriculture devint leur occupation principale; ils avaient peu de goût pour les sciences et pour l'industrie ; en revanche, ils sont nés pour le commerce et ont été de tout temps célèbres comme usuriers. — Outre les livres saints, les Juifs possédaient une littérature qui consistait surtout en légendes, chants, sentences, généalogies. Après le retour de la captivité, la philosophie, la théologie et l'érudition se développèrent chez les Juifs, et il se forma parmi eux un grand nombre de sectes (Pharisiens, Sadducéens, Esséniens, Thérapeutes) ; le Gnosticisme et la Cabale eurent aussi en Judée de nombreux adeptes. Les Juifs comptèrent dans les premiers siècles du Christianisme quelques écrivains illustres, entre autres Philon et Josèphe, et plus tard Aben-Ezra, Avicébron (Ibn-Gébirol), Maïmonide, etc. Dans le moyen âge, les Juifs ont contribué pour leur part, même avant les Arabes, à nous transmettre les connaissances de l'antiquité. De nos jours ils ont produit des écrivains distingués, des savants et des artistes de premier ordre. — La religion des Juifs, le Judaïsme ou Mosaïsme, est fondée tout entière sur l'Ancien Testament ; ils ne reconnaissent qu'un seul Dieu (Jéhovah); ils nient la divinité de Jésus-Christ, et néanmoins attendent la venue d'un Messie qui relèvera leur nation et fondera un vaste empire. Ils n'admettent d'autre révélation que celle de Moïse et des prophètes; ils observent encore aujourd'hui les pratiques que suivaient les anciens Hébreux, notamment la célébration du jour du sabbat, de la Pâque, et l'abstinence des viandes impures, en tête desquelles est placé le porc. L'hébreu est encore leur langue liturgique. Chez les anciens Juifs les fonctions du sacerdoce appartenaient à la seule tribu de Lévi, dont les membres formaient deux classes : les sacrificateurs (cohens), descendants directs d'Aaron, et les lévites proprement dits, serviteurs des précédents. Aujourd'hui ces fonctions sont remplies, du moins en France, par les rabbins (V. ce mot). — Jusqu'à la séparation des 10 tribus, la religion resta une et sans altération; mais alors éclata un schisme qui dura jusqu'à la captivité. De retour, les Samaritains corrompirent la re-