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tesse de Boulogne et de Dammartin. Il périt dans un tournois dès 1233.

III. Empereurs d'Allemagne et rois d'Espagne.

PHILIPPE DE SOUABE, empereur d'Allemagne, 2e fils de Frédéric Barberousse, né en 1178, avait reçu en apanage, à la mort de son père, la Souabe et la Toscane. A la mort de son frère Henri VI (1197), il fut porté à l'empire par les Gibelins. Il eut pour compétiteur, d'abord Berthold de Zæhringen, dont il finit par acheter les droits, puis Othon de Brunswick, qui était soutenu par les Guelfes et par le pape Innocent III : il triompha par les armes de ce 2e rival en 1206. Philippe régnait depuis deux ans, lorsqu'il fut assassiné, en 1208, près de Bamberg, par Othon de Wittelsbach, qu'il avait offensé en refusant la main de sa fille. Othon de Brunswick lui succéda.

PHILIPPE I, dit le Beau, chef de la maison autrichienne qui régna sur l'Espagne, était fils de l'empereur Maximilien et de Marie ùe Bourgogne. Il porta d'abord le titre d'archiduc d'Autriche, devint en 1482 souverain des Pays-Bas du chef de sa mère, et acquit des droits sur le trône de Castille par sa femme, Jeanne la Folle, fille de Ferdinand, roi d'Aragon, et d'Isabelle, reine de Castille. Il avait épousé cette princesse en 1496 : l'infant don Michel, héritier de la couronne de Castille, étant mort peu de mois après, il fut, ainsi que Jeanne, déclaré héritier présomptif des deux couronnes, par les États de Tolède et de Saragosse. En 1504, à la mort d'Isabelle, il fut, malgré les intrigues de Ferdinand, qui voulait obtenir la régence, proclamé roi de Castille. Il chercha d'abord à se rendre populaire et adoucit les rigueurs de l’Inquisition; mais bientôt il mécontenta ses sujets en déposant les fonctionnaires castillans pour donner leurs places à des Flamands et en voulant faire enfermer comme folle Jeanne sa femme, dont la raison était égarée par la jalousie. Ses débauches et son intempérance abrégèrent sa vie: il mourut en 1506, à 28 ans. Il laissa 2 fils, Charles-Quint et Ferdinand, qui tous deux furent empereurs.

PHILIPPE II, roi d'Espagne, né en 1527, était fils de Charles-Quint. Duc de Milan dès 1540, il devint, par l'abdication de son père, d'abord roi de Naples et de Sicile (1554), peu de mois après souverain des Pays-Bas (1555), et enfin roi d'Espagne (1556). Il avait dès 1554 épousé Marie, reine d'Angleterre, mais sans avoir aucune autorité sur les Anglais. Ardent défenseur de la foi catholique, Philippe II lutta pendant tout son règne contre les progrès de la Réforme. Il la poursuivit partout : chez les Anglais, qui, à son instigation, furent sévèrement réprimés par la reine Marie; dans les Pays-Bas, où ses rigueurs excitèrent la révolte; en France, où il soutint la Ligue et les Guises; en Espagne, où il protégea puissamment l'inquisition et d'où ses rigueurs firent fuir les Maures. Dans les premières années de son règne, Philippe continua la guerre avec la France : il remporta en 1557 la victoire de St-Quentin, mais il ne sut point profiter de son succès, et conclut en 1559 la paix de Cateau-Cambrésis, qui fut suivie de son mariage avec Élisabeth de France, fille de Henri II. Ayant voulu introduire l'Inquisition dans !es Pays-Bas, il excita dans ces provinces une violente révolte et, après une guerre désastreuse, il les perdit définitivement en 1581. En 1588, une tempête détruisit l’Invincible Armada, qu'il avait armée contre la reine d'Angleterre Élisabeth. Après avoir longtemps entretenu en France la guerre civile, dans l'espoir de s'emparer du trône en y portant sa fille Isabelle, il se vit contraint de signer avec Henri IV la paix de Vervins, en 1598. Il mourut cette même année. Les pertes qu'il eut à supporter dans ses États du Nord avaient été compensées par l'acquisition du Portugal, dont il s'était emparé à la mort du cardinal-roi Henri, malgré la France et malgré les Portugais eux-mêmes (1580). Sous ce règne, les colonies espagnoles de l'Amérique et des Indes rapportèrent immensément d'or et d'argent, mais Philippe consuma follement toutes ces richesses dans de vains projets de monarchie universelle, et à sa mort le trésor était vide et obéré. Ce prince sombre, soupçonneux et cruel n'épargna pas même sa famille : on lui imputa la mort d'un de ses fils, don Carlos (V. ce nom). Cependant il protégea les lettres et les arts : l'Escurial lui doit sa fondation; c'est lui qui fit de Madrid la capitale des Espagnes (1561). Il eut d'habiles généraux auxquels il dut quelques succès, entre autres don Juan d'Autriche, le vainqueur de Lépante, le duc d'Albe, le duc de Parme (Alex. Farnèse) et le duc de Savoie (Emm. Philibert). Il y a peu de princes dont on ait dit plus de bien et plus de mal : les Catholiques le peignent comme un second Salomon; les Protestants comme un autre Tibère. Prescott a donné une Hist. du règne de Philippe II, 1856 (trad. en français en 1860). Sa Correspondance a été publiée par M. Gachard, Bruxelles, 1859.

PHILIPPE III, fils de Philippe II, né en 1578, régna de 1598 à 1621. Apathique et faible de santé, il laissa le duc de Lerme, son ministre, gouverner sous son nom. Un traité de paix fut conclu avec l'Angleterre en 1604; une trêve de 12 ans fut signée avec les Pays-Bas en 1609; enfin, une alliance avec la France donna pour épouse à Louis XIII la fille de Philippe III, l'infante Anne d'Autriche. Pour prévenir le soulèvement des Maures convertis, Philippe III les chassa tous de ses États en 1609, faisant ainsi perdre à l'Espagne ses sujets les plus industrieux; le nombre des exilés s'élevait à près d'un million. La misère du pays fut encore accrue par des variations continuelles dans la valeur des monnaies. C'est sous Philippe III qu'éclata la guerre de Trente ans, dans laquelle il prit parti pour la maison d'Autriche, et qu'eurent lieu la conjuration de Venise (1618), ainsi que l'occupation par les troupes espagnoles de la Valteline (1620) et du Palatinat du Rhin (1621).

PHILIPPE IV, fils de Philippe III, lui succéda en 1621, âgé de 16 ans. Incapable comme son prédécesseur, il fut pendant la plus grande partie de son règne sous la tutelle de son 1er ministre le comte d'Olivarès. La guerre, reprise contre les Provinces-Unies, fut heureuse pour lui jusqu'en 1628, grâce au talent de Spinola; mais depuis lors elle devint désastreuse, et la Hollande fut définitivement perdue pour l'Espagne. Ce prince s'engagea ensuite dans la lutte de la maison d'Autriche contre Richelieu, et y perdit plusieurs provinces : le Portugal secoua le joug (1640), la Catalogne se souleva et se donna au roi de France Louis XIII (1641); Naples, soutenue par le duc de Guise, fut sur le point d'échapper à l'Espagne (1647); enfin Philippe se vît obligé de reconnaître l'indépendance des Provinces-Unies par le traité de Munster (1648). Découragé de tant de revers, il signa le traité des Pyrénées, par lequel il cédait à la France le Roussillon, l'Artois, 14 villes de la Flandre et du Hainaut et tous ses droits sur l'Alsace (1659); ce traité fut cimenté par le mariage de l'infante Marie-Thérèse avec Louis XIV. Il mourut en 1665, après un règne de 45 ans, qui fut presque constamment malheureux. Son fils Charles II lui succéda.

PHILIPPE V, chef de la maison des Bourbons d'Espagne, né en 1683, était fils du Dauphin Louis de France, et petit-fils de Louis XIV, et porta d'abord le titre de duc d'Anjou. Appelé au trône d'Espagne en 1700 par le testament de Charles II, il se rendit dans ce royaume, y fut reçu sans opposition et sut bientôt se concilier l'amour de ses sujets. Mais l'archiduc Charles réclamait la couronne d'Espagne, et l'Europe, inquiétée par la puissance de Louis XIV, forma, pour soutenir tes droits de ce prétendant, une grande ligue dans laquelle entrèrent l'Autriche, l'Angleterre, la Hollande, la Prusse et le Portugal : la guerre qui s'engagea alors est connue sous le nom de guerre de la Succession d'Espagne. Les Français et les Espagnols furent vaincus en Italie par le prince Eugène, en Allemagne par Marlborough, et Philippe V fut un moment chassé de l'Espagne par les Autri-