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dant qu'il exerçait sur le roi, la reine régnante, Anne d'Autriche, le frère du roi, Gaston d'Orléans, le duc de Bouillon, le comte de Soissons et tous les favoris de Louis XIII. Un jour, tous ses ennemis conjurés avaient déterminé le faible roi à l'éloigner; mais, averti à temps, il va le trouver à Versailles, reprend tout son pouvoir et fait subir à ses ennemis le sort qu'ils lui destinaient : à la suite de cette journée (11 novembre 1630), qui fut appelée la Journée des dupes, le garde des sceaux Marillac fut exilé ; son frère, le maréchal de Marillac, condamné à mort comme coupable de péculat, le maréchal de Bassompierre envoyé à la Bastille. Ne pouvant réussir auprès du roi, les grands cherchèrent un appui chez l'étranger, et excitèrent plusieurs révoltes : toujours instruit à temps de leurs complots, Richelieu sut les faire échouer. Il exila la reine mère à Bruxelles (1631), réduisit à la soumission Gaston d'Orléans, qui avait pris les armes, vainquit à Caslelnaudary le duc de Montmorency, qui avait trempé dans la révolte du prince, le fit condamner à mort et exécuter à Toulouse (1632) ; livra quelques années après au comte de Soissons et au duc de Bouillon, ligués avec l'Autriche, une Bataille où le comte trouva la mort (bat. de la Marfée, 1641), fit trancher la tête à Cinq-Mars, favori de Louis XIII, qui traitait avec l'Espagne, et n'épargna pas même le jeune De Thou, coupable de n'avoir pas révélé le complot (1642). Richelieu mourut peu de temps après cette dernière exécution, le 4 décembre 1642. Il n'avait pu terminer les guerres qu'il avait entreprises, mais il avait déjà assuré partout le succès des armes françaises. Ce ministre est incontestablement le plus grand qui ait gouverné la France; il eut de grandes vues et en poursuivit l'exécution avec une persévérance, une fermeté inébranlables, mais on l'accuse de s'être montré implacable et d'avoir quelquefois exercé des vengeances personnelles sous le prétexte des intérêts de l'État. Il s'occupa de l'administration intérieure aussi bien que de la direction politique; rétablit l'ordre dans les finances, réforma la législation (V. Code MICHAUD), créa une marine, donna une grande extension à nos établissements coloniaux, fit occuper le Canada, les Petites-Antilles, St-Domingue, la Guyane, le Sénégal, etc. ; en outre, il favorisa les lettres et créa l'Académie française (1636). Il est fâcheux qu'il ait voulu lui-même être auteur (il ne fit que des pièces médiocres, Mirame, tragi-comédie, la Grande pastorale), et qu'il se soit montré jaloux du grand Corneille après avoir commencé par le protéger. On lui doit plusieurs établissements utiles: il construisit le collége du Plessis (attenant à celui de Louis le Grand), répara la Sorbonne et en rebâtit l'église (où l'on voit encore auj. son mausolée), agrandit la Bibliothèque et l'imprimerie royale, fonda le Jardin du Roi. Richelieu s'était fait construire au centre de Paris un palais magnifique qu'on nommait le Palais-Cardinal (auj. Palais-Royal) ; il le légua à Louis XIII. Il a laissé, outre quelques écrits théologiques, des mémoires fort curieux, publiés d'abord en partie sous les titres de : Histoire de la Mère et du Fils; puis, d'une manière plus complète, dans les Mémoires relatifs à l'histoire de France, de Petitot, 1823 ; un Testament politique, dont la meill. édition est due à Foncemagne, 1764, et qui renferme de précieuses leçons de politique : cette pièce, longtemps contestée, est auj. reconnue authentique. On lui attribue à tort le Journal de M. le cardinal de Richelieu durant le grand orage de la cour (1630 et 31), Amst., 1664, écrit indigne de lui. M. Avenel a publié ses Lettres, instructions et papiers d'État, 1853-63 (dans les Documents inédits de l'hist. de France). Sa Vie a été écrite par Aubery, J. Leclerc. René Richard; A. Jay a donné l’Hist. du ministère de Richelieu, Paris, 1815, M. Capefigue, Richelieu et Mazarin, 1835 , et M. Caillet l’Administration de Richelieu (couronnée par l'Institut), 1858 et 1861. — Le cardinal avait un frère, Alph. Louis du Plessis Richelieu, m. en 1653 à 71 ans, qui occupa successivement les sièges de Luçon, d'Aix, de Lyon, et devint aussi cardinal ; et 2 sœurs, dont l'aînée, Françoise du Plessis-Richelieu, fut mariée à René de Vignerod, seigneur de Pont-Courlay. Il laissa son nom et ses armes à son petit-neveu, Armand Jean du Plessis, général des galères, et père du duc de Richelieu (qui suit).

RICHELIEU (L. Fr. Armand DU PLESSIS, duc de), maréchal de France, petit-neveu par les femmes du cardinal, naquit à Paris en 1696, et fut d'abord connu sous le nom de duc de Fronsac Marié et présenté à la cour dès l'âge de 14 ans, il y obtint un grand succès ; il fut peu après mis à la Bastille, sur la demande de son propre père, pour quelque fredaine, et n'en sortit que 14 mois après, pour se rendre auprès de Villars, qui le prit pour aide de camp. Sous la Régence, il fut le compagnon de débauche et souvent le rival du duc d'Orléans; il n'en fut pas moins mis deux fois à la Bastille par ce prince : l'une pour un duel, l'autre pour avoir trempé dans la conspiration de Cellamare. Nommé en 1725 ambassadeur à Vienne par le crédit de la marquise de Prie, maîtresse du duc de Bourbon, qui gouvernait alors, il s'acquitta fort bien de cette mission, opéra, malgré l'Espagne, un rapprochement entre la France et l'Autriche, et signa en 1727 les préliminaires d'une paix avantageuse. Il servit avec distinction sous Berwick en 1733, se signala aux sièges de Kehl et de Philippsbourg, fut fait maréchal de camp en 1738, puis lieutenant général (1744) et gouverneur du Languedoc. Nommé premier gentilhomme de la chambre, il acquit bientôt un grand ascendant sur l'esprit du jeune roi; on l'accuse même d'avoir beaucoup contribué à dépraver ses mœurs. Il se signala dans la campagne de Flandre en 1745, surtout à la bataille de Fontenoy, où il décida le gain de la bataille. Ambassadeur à Gènes en 1748, il fut chargé par les Génois du commandement de leurs troupes, et réussit à repousser les attaques des Autrichiens et des Anglais : il reçut à son retour le bâton de maréchal avec le gouvernement de Guyenne et de Gascogne. Dans les années suivantes, Richelieu alla attaquer l'île de Minorque et s'empara de Port-Mahon (1756), place qui passait pour imprenable, commanda l'armée du Hanovre, battit le duc de Cumberland, et conquit tout le Hanovre en un mois; mais il ne sut pas profiter de la victoire, et fut rappelé après la convention de Closterseven (1757) : on attribua ce rappel à Mme de Pompadour, à la fille de laquelle il avait refusé d'unir son fils, le duc de Fronsac. Il ne vécut depuis qu'en homme privé, tout occupé d'intrigues et de plaisirs. Devenu le doyen des maréchaux, il fut nommé en 1781 président du tribunal du point d'honneur. Il poussa sa carrière jusqu'à l'âge de 92 ans, sans presque éprouver d'infirmités, et mourut en 1788. Quoique fort peu lettré, et sachant à peine l'orthographe, il avait été reçu à l'Académie française dès l'âge de 24 ans. Il fut l'ami et le protecteur de Voltaire. Le duc de Richelieu passait pour être l'homme le plus aimable et le plus séduisant de son siècle ; aussi eut-il une grande réputation de galanterie. Il fut marié trois fois; la dernière à 84 ans. On a sous son nom des Mémoires (1790, 9 vol. in-8), qui ont été rédigés par Soulavie d'après des documents qu'il avait fournis lui-même, mais qui ont été désavoués par sa famille; ils ont été abrégés par F. Barrière, 1858. Une Vie privée du maréchal de R. publiée en 1791 sans nom d'auteur est un mélange de vrai et de faux.

RICHELIEU (Armand Emmanuel DU PLESSIS, duc de), ministre sous Louis XVIII, né à Paris en 1766, était petit-fils du maréchal. Il émigra en 1789, alla en Russie, servit avec distinction sous le général Souvarov contre les Turcs, obtint la faveur de l'impératrice Catherine, puis de l'empereur Alexandre, fut nommé en 1803 gouverneur d'Odessa, colonie naissante, dont il fit bientôt une ville importante, et fut au bout de 18 mois chargé du gouvernement de