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Le 21 janvier 1924 s’éteint la conscience révolutionnaire mondiale concentrée en un corps mortel. Le 17 février 1924, N. Boukharine prononce à la séance solennelle de l’Académie Communiste un discours sur l’apport de Lénine à la doctrine marxiste. De la lointaine Vienne, une œuvre de circonstances et portant la même date essaie, dans une première tentative de systématisation, de répondre au postulat de son discours ( « Lénine… attend son systématisateur » ) Le Lénine, de Georg Lukacs porte en sous-titre : Étude sur l’interdépendance de sa pensée. L’ « enfant chéri » du bolchevisme et l’ancien « enfant prodige » du cercle wébérien de Heidelberg, par-delà les frontières de l’Europe des patries bourgeoises, s’unissent dans la communion fraternelle révolutionnaire.

En quoi consiste l’actualité de cette brochure publiée en 1925 par la Librairie de l’Humanité ? En dépit de quelques faiblesses, elle nous ramène aux sources authentiques du léninisme révolutionnaires par-delà les fracassantes excommunications des mondes communistes post-staliniens.

L’exégèse universitaire traditionnelle de Merleau Ponty à Gurvitch, quand elle discourt sur les problèmes touchant le mouvement ouvrier international en général, le bolchevisme en particulier, s’abrite volontiers derrière Boukharine. Cette courte étude remet les choses en place. Elle est écrite dans une période d’équilibre, entre le passé ultra-gauchiste et le futur ultra-opportunisme de Boukharine.

Notons comme d’une particulière actualité le chapitre sur Lénine et les paysans, où Boukharine nous rappelle la « combinaison heureuse — Marx dixit — désirable pour le prolétariat de la guerre paysanne avec la révolution ouvrière » c’est-à-dire, de ce que nous appelons la question nationale et coloniale et qui souligne opportunément l’  « hégémonie du prolétariat dans son alliance avec les masses paysannes et coloniales. » [1]

Son insistance sur les problèmes culturels — l’homme ne vit pas seulement de pain — dans la période de transition, donne un ton tout à fait moderne.

  1. Rappelons la thèse 11e de Lénine sur la question nationale et coloniale : « Il est nécessaire de lutter résolument contre cette tendance à parer des couleurs du communisme des courants révolutionnaires de libération des pays arriérés n’ayant pas un caractère authentiquement communiste : l’Internationale Communiste ne doit appuyer les mouvements révolutionnaires des colonies et pays arriérés qu’à la condition que les éléments des futurs partis prolétariens, communistes autrement que par leur nom, soient dans tous les pays arriérés groupés et éduqués pour les rendre conscients de leurs tâches particulières, tâches de lutte contre les mouvements démocratiques bourgeois de leur propre nation ; l’Internationale Communiste doit conclure des ententes temporaires, voire des alliances avec les démocraties bourgeoises des colonies et pays arriérés, mais pas fusionner avec elles et maintenir inconditionnellement l’indépendance du mouvement prolétarien, meme sous sa forme la plus embryonnaire. »