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L’ÎLE TOURNOYANTE

« Au commencement de toutes choses les quatre éléments étaient confondus. Le Créateur les divisa : aussitôt le feu et l’air, qui sont tout clarté et légèreté, montèrent au ciel, tandis que l’eau et surtout la terre, qui n’est qu’un pesant amoncellement d’ordures, tombaient en bas. Mais, d’avoir été si longtemps amalgamés, il ne se pouvait que les quatre éléments ne se fussent réciproquement passé un peu de leurs propriétés contraires. De façon que, lorsque le Souverain Père, qui est fontaine de netteté et de sagesse, eut nettoyé l’air pur et le feu clair, luisant et chaleureux de toute chose terrienne, et la froide eau et la lourde terre de toute chose céleste, les résidus formèrent une sorte de masse ou de fumée, trop pesante pour s’élever avec l’air, trop légère pour rester à terre, trop humide pour se confondre au feu, trop sèche pour se joindre à l’eau ; et cette masse se mit à flotter par l’univers, jusqu’à ce qu’elle arrivât au-dessus de la mer d’Occident, entre l’île Onagrine et le port aux Tigres. Il y a là, dedans la terre, une immense quantité d’aimant dont la force en attira et retint les parties ferrugineuses, mais sans être assez puissante pour en empêcher les parties de feu et d’air d’entraîner la masse vers le ciel : de façon qu’elle demeura à la surface de l’eau. D’autre part elle se mit à pivoter sur elle-même selon le mouvement du firmament auquel elle appartenait par ses parties