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L’ARBRE DE VIE

mais Notre Sire eut pitié d’Adam et d’Ève qui se regardaient, pleins de vergogne et de confusion : il les couvrit de ténèbres, et ainsi Abel le juste fut engendré.

« Aussitôt que la chose fut faite, l’obscurité se dissipa, et l’homme et la femme remarquèrent que le premier arbre, blanc naguère, était devenu vert comme l’herbe des prés ; et de ce jour il commença de fleurir et fructifier, ce qu’il n’avait pas encore fait ; et ainsi devint-il en souvenir de la semence semée dessous lui en bonne pensée et amour du Créateur. Tous ceux qui naquirent de lui désormais furent semblables à lui. Mais ceux qui en étaient nés auparavant demeurèrent blancs, et sans fleurs ni fruits.

« Il en alla de la sorte jusqu’au temps qu’Abel le débonnaire fut devenu grand, et que son frère Caïn commença de l’envier et de le haïr. Un jour qu’Abel avait conduit ses brebis près de l’arbre de vie, il fut s’abriter du soleil ardent à l’ombre des branches vertes, et s’y endormit. Il entendit pourtant venir son frère et se leva en lui souhaitant la bienvenue, car il l’aimait de grand amour. Caïn lui rendit son salut et lui dit de se rasseoir, mais, comme Abel se penchait, il le frappa d’une mâchoire d’âne si rudement qu’il le décervela. Ainsi Abel reçut la mort au lieu même où il avait été conçu, et ce fut également un vendredi. Et il arriva une grande mer-