Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
MERLIN L’ENCHANTEUR

demeuré à Sarras, eut un songe : il lui fut avis qu’il voyait Notre-Seigneur tout dolent et souffrant, qui lui commandait de s’embarquer avec sa famille et la femme de Nascien et tous ses hommes, et d’aller en Grande Bretagne pour le venger du roi Crudel. Ainsi fit-il, et, quand il aborda près de Galafort avec son armée, il rencontra Nascien qui venait au-devant de lui, ayant été averti de sa venue. Tous deux marchèrent avec les chevaliers de Sarras, de Galafort et de Northumberland contre le roi Crudel qui fut défait et tué. Et ils trouvèrent Josephé et son père Joseph avec leur compagnie en fort bon point dans leur chartre : car Dieu avait voulu qu’ils vécussent de la grâce du Graal durant les quarante jours de leur prison, en toute aise et confort.

« Mais, peu après, il arriva une grande merveille. Une nuit qu’il ne pouvait dormir, le roi Mordrain fut pris d’une curiosité si vive de voir le Graal, qu’il n’y put résister. Il se rendit dans la chambre où le saint vase était conservé, et il lui sembla entendre autour de lui mille voix qui rendaient grâce à Notre Seigneur et un bruit d’ailes aussi fort que si tous les oiseaux du monde eussent volé là. Il s’avança vers le Graal et souleva la patène pour regarder le précieux sang. Mais, dans le même moment, il aperçut devant lui un ange au visage ardent comme la