Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
LE ROI QUI MOURUT DE DEUIL

lui qui avait tant aimé la gaieté et les joyeuses compagnies dans sa jeunesse !

Le roi Ban réfléchissait ainsi. Il mit ses mains devant ses yeux, et un si grand chagrin le poignit et l’oppressa, que, ne pouvant verser des larmes, son cœur l’étouffa et qu’il se pâma. Il chut de son palefroi si durement que pour un peu il se fût brisé le col. Le sang vermeil lui sortit de la bouche, du nez et des deux oreilles. Et quand il revint à lui après un long temps, il regarda le ciel et prononça comme il put :

— Ha, sire Dieu, merci ! Je vous rends grâce, doux Père, de ce qu’il vous plaît que je finisse indigent et besogneux, car vous aussi, vous avez souffert la pauvreté. Sire, vous qui de votre sang me vîntes racheter, ne perdez pas en moi l’âme que vous y mîtes, mais secourez-moi, car je vois et sais que ma fin est arrivée. Beau Sire, prenez pitié de ma femme Hélène, conseillez la déconseillée qui descend du haut lignage que vous avez établi au royaume aventureux ! Et qu’il vous souvienne de mon chétif fils, Sire, qui est si jeune orphelin, car c’est vous seul qui pouvez soutenir ceux qui n’ont plus de pères !

Ayant dit ces paroles, le roi Ban battit sa coulpe et pleura ses péchés. Puis il arracha trois brins d’herbe au nom de la Sainte Trinité. Et son âme se serra si fort en songeant à sa femme et à son fils, que ses yeux se troublèrent,