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MERLIN L’ENCHANTEUR

que davantage, car, si j’étais vilain, je serais habitué aux tourments et mon cœur endurerait plus aisément ses ennuis.

— Comment, fit Lancelot, vous êtes gentilhomme et vous pleurez pour une mauvaise fortune ! Sauf perte d’ami ou honte ineffaçable, nul cœur haut ne se doit émouvoir, car toute chose se peut réparer.

Émerveillé d’entendre un si jeune enfant prononcer ces hautes paroles, le valet répondit :

— Je ne pleure, beau sire, pour perte d’ami ni de terre. Mais je suis ajourné à la cour du roi Claudas par un traître qui a occis un mien parent en son lit pour sa femme. Hier soir, il m’a fait assaillir dans la forêt : mon cheval fut blessé à mort sous moi ; il m’a toutefois porté assez pour que je puisse m’échapper. Mais comment ne serais-je pas dolent puisqu’il me sera impossible de me présenter au jour fixé en la maison du roi Claudas pour soutenir mon droit, et qu’il faudra donc que je m’en revienne honni ?

— Dites-moi : si vous aviez un bon cheval, arriveriez-vous encore à temps ?

— Oui, sire, très bien, et me fallût-il même faire à pied le tiers du chemin.

— En nom Dieu, vous ne serez honni faute d’un cheval tant que j’en posséderai un, ni vous ni aucun autre gentilhomme !

Ce disant, Lancelot descend, baille sa monture au valet, met son chien en laisse et, plaçant sa