Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
LA CHEVALERIE

guérite d’où l’on surveille les malfaiteurs et les larrons de Sainte Église. Sa lance, si longue qu’elle blesse avant qu’on atteigne celui qui la porte, signifie qu’il doit empêcher les malintentionnés d’approcher Sainte Église. Et si l’épée, la plus noble des armes, est à deux tranchants, c’est qu’elle frappe de l’un les ennemis de la foi, de l’autre les voleurs et les meurtriers ; mais la pointe signifie obéissance, car toutes gens doivent obéir au chevalier : et rien ne perce le cœur comme d’obéir en dépit de son cœur. Le cheval enfin est le peuple, qui doit porter le chevalier et fournir à ses besoins, et être au-dessous de lui, et qu’il doit mener à sa guise pour le bien.

« Il faut qu’il ait deux cœurs : l’un dur comme l’aimant pour les déloyaux et les félons, l’autre mol et flexible comme la cire chaude pour les bons et les débonnaires. Tels sont les devoirs auxquels on s’engage envers Notre Seigneur en recevant la chevalerie, et mieux vaudrait à un valet rester écuyer tout son âge, que de se voir honni sur terre et perdu pour Dieu.

— Dame, dit Lancelot, si je trouve quelqu’un qui consente à me faire chevalier, je ne craindrai pas de l’être, car Dieu voudra peut-être me donner les qualités qu’il y faut, et j’y mettrai tout mon cœur, et mon corps, et ma peine, et mon travail.

— En nom Dieu, dit la Dame en soupirant,