Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
LA DUCHESSE DE TINTAGEL

ses barons étaient invités à s’y rendre sans autre avertissement.

Il y vint ainsi une grande quantité de dames, de chevaliers et de demoiselles, et le roi y remarqua Ygerne, la femme du duc Hoël de Tintagel. Il n’en fit d’abord nul semblant, si ce n’est qu’il la regarda plus longtemps que les autres ; mais elle s’en aperçut bien. Comme elle était aussi fidèle que belle, elle garda du mieux qu’elle put de paraître devant lui. Mais le roi envoya des joyaux en présent à toutes les dames afin d’avoir prétexte à lui en donner, de manière qu’elle ne put les refuser. Enfin, quand la cour se sépara, il accompagna le duc de Tintagel et trouva moyen de murmurer à Ygerne qu’elle emportait son cœur ; elle feignit de n’avoir pas entendu.

Aux cours suivantes, le roi ne fut pas plus heureux. Durant un an, il souffrit : quand il était loin de la duchesse, il était triste à mourir ; quand il la voyait, sa douleur s’allégeait un peu ; mais il lui semblait qu’il ne pourrait vivre s’il n’avait réconfort d’amour.

— Sire, lui dit Ulfin, un de ses familiers, vous êtes bien naïf quand vous pensez mourir pour le désir d’une femme. Moi qui suis un pauvre homme au prix de vous, si j’aimais comme vous faites, je ne songerais pas à trépasser : qui entendit jamais parler d’une femme qui se put défendre si elle était bien priée et