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LA REINE D’ORCANIE

mettre en sûreté sa femme et son dernier fils, le petit Mordret, dans sa forteresse de Glocedon. Il était sorti de la ville avec eux, dans la nuit, par une poterne, escorté de quelques chevaliers. Mais ils venaient de rencontrer un gros parti de Saines qui les avait déconfits.

— Demeure dans ce bois avec ces sommiers et nos garçons, dit Gauvain à l’écuyer, et n’en sors point avant que d’avoir de nos nouvelles.

En débouchant du bois, ils virent au loin le roi Lot qui s’enfuyait avec ce qui lui restait de gens, rudement poursuivi par les païens. Et, plus près, une belle dame, tout échevelée, que deux Saines tiraient par ses tresses derrière leurs chevaux, quand sa longue robe la faisait trébucher et l’empêchait de marcher au pas de leurs montures.

— Dame Sainte Marie, mère de Dieu, secourez-moi ! criait-elle.

Et chaque fois qu’elle disait : « Sainte Marie », l’un des païens la frappait si brutalement de son gant de fer sur la face, qu’il la jetait à terre. Parfois, elle demeurait comme pâmée sur le sol ; alors le mécréant la prenait et la plaçait en travers de sa selle ; mais aussitôt elle se laissait couler a bas du cheval, criant comme femme qu’on blesse :

— Que ne suis-je morte ! Jamais je ne vous céderai !

Ce que voyant, le Saine recommençait de la