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Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/308

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dans la bouche de sa mère, avait ébranlé sa conviction, qui était celle du bon sens, lorsqu’une lettre de son frère, tombée d’aventure entre ses mains, en lui montrant sous leur vrai jour la situation faite aux émigrés dits retardataires, raffermit ses résolutions. À la menace faite par une parente de l’envoi d’une quenouille, présent dont on qualifiait les gentilshommes restés en France, il répondit : « Je n’émigrerai à aucun prix, je ne veux pas servir contre mon pays ; je veux demeurer et avancer dans l’armée ; non, jamais je ne serai émigré. »

Mais, d’ailleurs, il ne dissimulait pas son aversion et son dégoût pour les violences révolutionnaires, et, après la triste journée du 10 août, blâmée hautement et courageusement par le général Victor de Broglie, dont il était aide de camp, Desaix applaudit à la protestation de celui-ci et le suivit quelque temps dans la retraite. Revenu à l’armée du Rhin où, dans une seule année (1793), par la désastreuse influence des commissaires, se succédèrent neuf généraux en chef, Desaix, quoique dans un poste secondaire, par son infatigable activité, son dévouement pour le soldat, comme son intrépidité, « était devenu l’âme des combats et des combinaisons militaires. » Au mois d’août, il fut promu, sur le champ de bataille même, par les représentants, au grade de général de brigade, et le 21 octobre, il était nommé général de division. Desaix comptait vingt-cinq ans à peine. C’est alors qu’il écrit à sa sœur, restée près de Mme de Veygoux, une lettre admirable qu’on voudrait pouvoir citer tout entière, mais dont nous détacherons au moins quelques passages :