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Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/62

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Corday, conduite à l’échafaud, sur le passage de Marie Antoinette, de Madame Élisabeth, de Beauharnais, de Custines, d’André Chénier et de tant d’autres illustres victimes ? Était-ce pour le salaire, qui fut si minime, que travaillaient les égorgeurs de septembre, les assassins des Carmes, etc., que le peuple, le vrai peuple d’ailleurs hautement renie et regarde comme des monstres ?

Maintenant, pour ne pas laisser le lecteur sous une impression trop douloureuse, en regard de ces lugubres pages, mettons-en une qui repose et console, « qui élève l’âme et remplisse le cœur de douces émotions. » Après la mort de son mari, Madame Bailly se trouva dans une position qui était plus que la gêne au point qu’elle fut heureuse de se voir inscrite au bureau de charité de son arrondissement, grâce aux sollicitations pressantes du géomètre Cousin, membre de l’Académie. Maintes fois on vit cet homme éminent traverser tout Paris, ayant sous le bras le pain, la viande et la chandelle destinés à la veuve d’un illustre confrère.

Voici qui n’est pas moins touchant. Après le 18 brumaire, de Laplace fut nommé ministre de l’intérieur. Le soir même, 21 du mois, il demandait une pension de 2,000 francs pour Madame Bailly. Le premier consul l’accorda aussitôt, en ajoutant comme condition expresse que le premier trimestre serait payé d’avance et sur le champ. « Le 22, de bonne heure, une voiture s’arrête dans la rue de la Sourdière (où demeurait la veuve de Bailly) ; madame de Laplace en descend, portant à la main une bourse remplie d’or.

« Elle s’élance dans l’escalier, pénètre en courant dans l’humble demeure, depuis plusieurs années témoin d’une