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Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/82

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lui dit : « Prince, je vous estime, je vous vénère autant que qui que ce soit ; mais l’observation de tous ces détails d’une gênante et minutieuse étiquette qu’on s’obstine à vouloir m’apprendre, c’est pour moi la mer à boire. Je prie Votre Altesse de m’en dispenser. » L’archiduc sourit et donna l’ordre de ne plus inquiéter l’artiste à ce sujet : « Laissez-le faire, ajouta le prince ; que voulez-vous, il est comme cela ! »

Vivant plus qu’aucun autre, par suite de son infirmité, dans le monde idéal, l’artiste était, pour cela même, très facilement dupe de son imagination et manquait du sens pratique, fruit de l’expérience et de la raison, qui doit nous conseiller incessamment dans la conduite de la vie. Profondément religieux de cœur, il restait trop, par respect humain peut-être, dans la théorie ; aussi la vérité n’avait-elle point sur son caractère l’influence qu’on eût dû en attendre. D’ailleurs, ses mœurs étaient pures et Schindeler va jusqu’à dire que « Beethoven, malgré les tentations nombreuses auxquelles il fut exposé, sut, tel qu’un demi-Dieu, conserver sa vertu intacte… Il traversa la vie avec une pudeur virginale sans avoir jamais eu une faiblesse à se reprocher[1]. »

M. Oublichieff, le savant biographe russe, s’il se trompe le plus souvent dans son appréciation du génie de l’artiste, me paraît avoir mieux jugé l’homme : « Fabuleux ou impossible, dit-il, partout ailleurs, c’est

  1. Schindeler. — Vie de Beethoven, Munster 1845. « La meilleure source de renseignements certains que l’on puisse consulter, » d’après Scudo.