Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/60

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— Mais les hommes vont comme des fous, comme des machines aveugles qui tournent, qui broient, qui détruisent au hasard. Le sentiment de la responsabilité n’est nulle part. Et chacun transporte sur le voisin le poids de ses propres fautes. Pour moi, suis-je empereur, ministre, journaliste, soldat, je me dis : As-tu le droit d’ordonner la guerre, ou de la subir, ou de la conseiller, ou d’y pousser, ou de l’accepter, ou de la servir ?… Non, quoi qu’il arrive, sous aucun prétexte, pour quelque cause que ce soit, non, tu n’as pas ce droit, car il n’est pas de guerre, non, pas une, qui vaille le sacrifice d’une seule vie humaine, ni même la dépense d’un seul kopek. Empereur, ministre, journaliste, soldat, tu es un homme, tu n’es qu’un homme. Tu as été jeté sur la terre pour une fin supérieure et pour une tâche que tu ne rempliras point tout entière, car tu es chétif, mais vers laquelle tu dois te hâter sans repos. Tu manques à cette tâche et tu renies ton destin, si tu commandes la violence, ou que tu y provoques, ou que tu la