Page:Bourgeois - Le mystérieux Monsieur de l'Aigle, 1928.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
le mystérieux monsieur de l’aigle

voyageurs se remirent en route, et le soir, ils couchaient à la Rivière du Loup, dans un hôtel de troisième ordre, il est vrai, mais d’une extrême propreté. Ils apprécièrent si bien l’idée de manger à une table bien servie, de coucher dans des lits confortables, qu’ils y passèrent trois jours.

Quand, enfin, bien approvisionnés, ils quittèrent la Rivière du Loup, ils savaient à quoi s’en tenir sur les environs ; ils savaient aussi (à peu près du moins) où ils iraient demeurer. Car, le lendemain de leur arrivée, ils allèrent faire une petite promenade à la pointe, et voici ce qu’ils virent : au loin, un groupe d’îles ; plus loin encore, une pointe, s’avançant dans le fleuve St-Laurent. Ayant demandé les noms de ces îles et de cette pointe, on leur répondit :

— Ces îles, ce sont les Pèlerins.

— Sont-elles habitées ?

— Non, pas encore ; mais on y érigera bientôt un phare, paraît-il.

— Et cette pointe, qu’on aperçoit d’ici ?

— C’est la Pointe Saint-André.

— Personne n’habite là, non plus ?

— Personne. Ce n’est qu’un amoncellement de rochers… fort pittoresques, il est vrai ; mais…

— Y a-t-il un village du nom de Saint-André, non loin de cette pointe ?

— Oui, il y a un village, mais, faut l’dire vite ; quelques maisons seulement, groupées autour de l’église.

— Pour revenir à la Pointe Saint André, demanda Zenon Lassève, est-ce une île ou une presqu’île ?

— C’est une île, à marée haute : une presqu’île, à marée basse, Monsieur.

— Ah ! oui ! Je comprends. Merci de vos renseignements, mon ami !

— Il n’y a pas d’quoi, Monsieur !

S’étant reposés, trois jours durant, à la Rivière-du-Loup, nos amis se mirent en route pour le village de Saint André. Ils n’avaient aucun plan préconçu ; tout ce qu’ils, désiraient, pour le moment, c’était d’arriver à destination ; là, ils aviseraient.

Le cheminement sur le Old Mountain Road fut pénible. Ce n’était que montées et descentes ; de plus, la chaleur était grande, et Zenon ne fut pas lent à s’apercevoir que Magdalena était à bout de forces.

Heureusement, ils s’arrêtèrent à une ferme isolée où l’on consentit à les garder deux jours, moyennant finances. Puis, un soir, le fermier chez qui ils s’étaient retirés, leur annonça qu’il avait affaire à Notre-Dame du Portage, le lendemain. Zenon s’arrangea avec lui pour qu’il les emmenât, lui et Magdalena ; de cette manière, ils parcourraient en voiture et sans fatigue, la plus grande partie du chemin qu’il leur restait encore à faire.

Ils partirent donc, après avoir remercié sincèrement et payé généreusement la fermière.

Vers les quatre heures de l’après-midi, le fermier dit à Zenon :

— Nous voici rendus au Rocher Malin, et vous allez être obligés de descendre ici, mes amis, si vous vous rendez à Saint André. Moi, voyez-vous, je prends par la gauche.

— Je vous remercie de votre bonté, jeune homme, répondit Zenon. Vous nous avez rendu un très grand service et nous avez exempté beaucoup de chemin, que nous aurions été obligés de parcourir à pied.

— Tant mieux ! Tant mieux, si j’ai pu vous rendre service. Au revoir, M. Lassève ! Au revoir, Théo, mon garçon !

— Au revoir ! Et encore merci !

Quand la voiture du fermier eut disparu à l’un des tournants de la route, Zenon demanda à Magdalena :

— Désires-tu que nous continuons notre chemin, ce soir, Théo ?

— Pourquoi ne pas attendre à demain, mon oncle ?

— Comme tu voudras, cher enfant ! Es-tu toujours décidé d’aller vivre sur la Pointe Saint André ?

— Sans doute…

— J’ai dans l’idée que ça ne sera pas folichon, sur cette pointe ; mais enfin, puisque tu y tiens…

— Nous serons… ou, du moins, je serai si en sûreté là, mon oncle ! soupira Magdalena. Et puis…

— Nous ferons absolument ce que tu voudras, Théo, assura Zenon.

— En attendant, et puisque nous ne sommes pas pressés, pourquoi ne passons-nous pas la nuit ici ? Bien abrités, par cet énorme rocher, nous serons frais et dispos pour continuer notre route.

— C’est bien, répondit Zenon. Soupons d’abord ; ensuite, nous irons faire une petite promenade aux alentours, puis nous dormirons.

Bientôt, l’obscurité enveloppait de ses voiles opaques le Rocher Malin, au pied duquel dormaient Zenon Lassève et Théo, son « neveu », sous la garde de Froufrou.

VII

PÊCHEURS ET BATELIERS

— Mon père a fait bâtir maison,
Frigon don, dessus l’aviron !
L’a fait bâtir à trois pignons,
Tortille, morfille,
Arrangeur de faucilles,
Effileur de couteaux,
Rac’modeur de ciseaux,
Bonjour, Lutin !
Fringue fringue
Su’ l’aviringue,
Fringon don
Dessus l’aviron !

L’a fait bâtir à trois pignons,
Fringon don, dessus l’aviron !
Sont trois charpentiers qui la font,
Tortille, morfille,
Arrangeur de faucilles,
Effileur de couteaux,
Rac’modeur de ciseaux,
Bonjour, Lutin !
Fringue fringue
Su’ l’aviringue,
Fringon don
Dessus l’aviron !