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le mystérieux monsieur de l’aigle

mestique de L’Aire. Mme de L’Aigle est très mal parait-il.

— Ah !… La pauvre petite femme ! répondit Mme Thyrol, sa première pensée étant toute de compassion pour la jeune malade.

— Je ne reviendrai que lorsqu’on n’aura plus besoin de moi, Leola, dit le médecin. Ainsi, ne sois pas inquiète si je retardais mon retour d’une journée, de deux même.

— Enfin ! se disait Mme Thyrol, après le départ de son mari. Ernest va donc avoir ses entrées à L’Aire ! Une fois qu’il y aura été admis comme médecin, je suis sûre qu’il y restera, car, pour être un bon médecin, Ernest n’a pas son pareil !

Lorsque le docteur Thyrol pénétra à L’aire, il fut vraiment épaté du luxe qui l’entourait. Qui aurait pu soupçonner qu’il y avait un pareil château sur cette pointe isolée ! Étant entré dans la bibliothèque, la plus belle, la plus considérable, la plus riche du pays assurait-on, et voyant Magdalena étendue, sans connaissance, sur une chaise-longue, il fut pris d’une grande compassion. Il se trouvait en face d’une toute jeune femme, entourée de luxe ; d’une femme qui n’était jamais à la peine d’exprimer un désir probablement, puisque ses moindres caprices devaient être satisfaits immédiatement… Cependant, elle allait peut-être mourir !… Car le médecin n’eut pas plus tôt jeté les yeux sur la malade qu’il comprit que son état était très critique.

— Depuis quand Mme de L’Aigle est-elle dans cet état ? demanda le médecin, lorsqu’il eut tâté le pouls et ausculté le cœur de la malade

— Depuis… Je ne sais pas… balbutia Claude, d’une voix remplie de sanglots.

— Nous avons essayé de ramener Mme de L’Aigle à sa connaissance par tous les moyens possibles, d’abord ; mais, n’y parvenant pas, nous vous avons envoyé chercher immédiatement, docteur, répondit Mme d’Artois.

— Qu’est-ce qui a déterminé cet évanouissement ? demanda le docteur Thyrol, s’adressant à Mme d’Artois, cette fois.

Elle pâlit. Il lui faudrait donc raconter l’incident de l’entête du journal ? Or, qui pourrait dire quels résultats cela aurait pour l’avenir ? Malheureusement, Magdalena avait des secrets à cacher et… Cependant, son devoir lui dictait de communiquer au médecin ce qu’elle soupçonnait.

— Elle a excessivement peur du vent, fit soudain la voix de Claude, et cette sorte de cyclone que nous avons eu, l’a horriblement effrayée. Puis, il s’est produit une panique parmi les domestiques…

Mais le médecin n’écoutait plus les explications qu’on lui donnait ; penché sur Magdalena, il la vit tressaillir deux ou trois fois… Allait-elle reprendre connaissance ? Non. C’était plutôt infiniment grave et dangereux ces tressaillements… Il fronça les sourcils et une expression d’inquiétude se peignit sur son visage.

Levant les yeux, le regard du docteur Thyrol croisa celui de Mme d’Artois ; elle aussi avait compris ; elle aussi pressentait l’état de gravité de la jeune femme, c’était évident.

— Il va falloir transporter Mme de l’Aigle dans sa chambre, la déshabiller et la mettre au lit immédiatement, dit le médecin.

— La chambre de Mme de L’Aigle est au deuxième ; comment la transporter ? demanda Mme d’Artois. Ce canapé, reprit-elle, en désignant le large et confortable canapé de la bibliothèque.

— Lorsque la malade reviendra à sa connaissance, il serait préférable qu’elle se vit dans sa chambre à coucher, je crois, fit le médecin. Jeune fille, ajouta-t-il, en s’adressant à Rosine qui, retirée un peu à l’écart pleurait toutes ses larmes, ayez donc la bonté de dire au domestique qui est venu me chercher chez moi, de venir ici, sans perdre un instant. Vous me pardonnerez bien, n’est-ce pas, M. de L’Aigle, si je me permets de donner des ordres dans votre maison ? Ce n’est ni le temps ni l’occasion de…

— Donnez les ordres qu’il faut, docteur, répondit Claude ; non seulement aux domestiques, mais à nous aussi ajouta-t-il en désignant Mme d’Artois. Ma femme ! Ma Magdalena ! Ô mon Dieu ! sanglota-t-il.

Nous transporterons Mme de L’Aigle au deuxième, dans la chaise-longue ; en prenant d’infinies précautions, nous y réussirons, dit le médecin.

Magdalena fut installée dans sa chambre et couchée dans son lit. Elle était toujours évanouie. Le docteur Thyrol et Mme d’Artois étaient auprès d’elle ; Rosine était allée chercher un supplément de couvertures, dans une autre pièce ; Claude, dans le corridor, marchait de long en large ; il était littéralement fou d’inquiétude.

Soudain, Magdalena eut un de ces tressaillements qui avaient tant effrayé Mme d’Artois. Le médecin, encore cette fois, fronça les sourcils ; de nouveau aussi, ses yeux rencontrèrent ceux de l’amie de la jeune malade.

— Ces tressaillements, Docteur… murmura-t-elle. Ce sont…

— Ce sont de légères convulsions, Madame, répondit-il.

— Mon Dieu ! s’écria Mme d’Artois. Mais ! Elle va mourir cette enfant !

— Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, répondit le médecin. Mais, ajouta-t-il, pauvre petite femme ! Je crains fort de ne pouvoir la tirer de là !

— Ce serait… Ô ciel ! Ce serait épouvantable ! Elle qui est si heureuse, qui est adorée de son mari, aimée de tous… Sauvez-la, docteur ! Sauvez-la ! Oh ! la pauvre petite !

— Vous pensez bien que je ferai l’impossible pour la sauver ; Dieu fera le reste… Il faut d’abord, des bouteilles d’eau chaude à ses pieds, puis de la glace sur sa tête.

— Je vais m’en occuper immédiatement, répondit Mme d’Artois. Rosine, reprit-elle, s’adressant à la fille de chambre, qui venait d’entrer, restez ici avec le docteur ; moi, j’ai affaire en bas.

En mettant le pied dans le corridor, Mme d’Artois se trouva en face de Claude ; son visage tout décomposé disait jusqu’à quel point il était inquiet.

— Magdalena ? demanda-t-il, d’une voix