Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/55

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cette femme qui, depuis cinq mois, était entrée dans son cœur pour tout y renouveler ; — de la femme qu’il aimait et dont il se savait aimé. En répondant à son parrain qu’il n’avait pas de maîtresse, Hubert avait dit vrai, en ceci qu’il n’était pas l’amant de Mme de Sauve au sens de possession physique et entière où l’on prend aujourd’hui ce terme. Elle ne lui avait jamais appartenu, et c’était la première fois qu’il allait se trouver réellement seul avec elle dans cette solitude d’un pays étranger, — rêve secret de chaque être qui aime. Tandis que le train courait à toute vapeur parmi les plaines tour à tour ondulées de collines, coupées de cours d’eau, hérissées d’arbres dénudés, le jeune homme égrenait longuement le secret rosaire de ses souvenirs. Le charme des heures passées lui était rendu plus cher par l’attente d’il ne savait quel immense bonheur. Quoique le fils de Mme Liauran eût vingt-deux ans, la rigueur de son éducation l’avait maintenu dans cet état de pureté si rare parmi les jeunes gens de Paris, lesquels ont pour la plupart épuisé le plaisir avant d’avoir même soupçonné l’amour. Mais ce dont cet enfant ne se rendait pas compte, c’est que, précisément, cette pureté avait agi, mieux que les roueries les plus savantes, sur l’imagination romanesque de la femme dont le