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CHARLES BAUDELAIRE

Lire les Fleurs du mal à dix-sept ans, lorsqu’on ne discerne point la part de mystification qui exagère en agressifs paradoxes quelques idées, par elles-mêmes seulement exceptionnelles, c’est entrer dans un monde de sensations jusqu’alors inconnues. Il est des éducateurs d’âme d’une précision d’enseignement plus rigoureuse que Baudelaire : M. Taine, par exemple, et Henri Beyle. Il n’en est point de plus suggestifs et qui fascinent davantage.

Et tes yeux attirants comme ceux d’un portrait…

a-t-il écrit d’une des femmes coupables dont il a subi la magie. Il traîne quelque chose de cette attirance et de ce regard au long de ses vers, mystérieux et câlins, ironiques à demi, à demi plaintifs. Des stances de lui poursuivent l’imagination, qu’elles inquiètent, avec une obsession qui fait presque mal. Il excelle à commencer une pièce par des mots d’une solennité à la fois tragique et sentimentale qu’on n’oublie plus :

Que m’importe que tu sois sage !

Sois belle et sois triste…