Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/110

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ou de Raffraye ? Ce serait un doute odieux pour lui, mais qui ne le troublerait pas dans ce qu’il savait, dans ce qu’il avait vu. La mince et sombre silhouette de la jeune femme voilée, descendant de fiacre à la porte du criminel rez-de-chaussée, n’était pas de celles qu’un serment efface de la mémoire d’un homme, — surtout quand cet homme n’aime plus. C’est en raisonnant de la sorte, ou mieux en se forçant à ne plus raisonner sur ce sujet, tant il éprouvait un besoin presque physique d’oublier ces tristes souillures, qu’il entra dans le salon de Mme Scilly. Son obsession de terreur panique se transformait en une fièvre de tendresse qui exaltait ses forces aimantes. Il trouva une première douceur à la familiarité par laquelle Vincent, le vieux domestique de la comtesse, ancien soldat d’ordonnance du comte demeuré au service de la veuve, lui demanda de ses nouvelles, avant de lui ouvrir la porte de ce salon, pièce de forme assez bizarre et comme distribuée en deux parties distinctes. Ménagé dans la tour romantique dont l’architecte du Continental avait enjolivé l’angle de cette grande bâtisse moderne, ce salon commençait presque en couloir, puis s’épanouissait en une large rotonde. Les trois fenêtres de ce fond circulaire permettaient, par les belles journées, de regarder ainsi trois des plus vastes horizons de Palerme. La mer à droite frémissait toute bleue, avec le passage des voiles blanches