Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/153

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Henriette l’avait racontée, cette enfantine histoire, avec une visible sincérité d’attendrissement. Elle en avait senti, créé peut-être la poésie par ce tour d’esprit romanesque qui était en elle, toujours disposé à dégager un charme et une grâce des petits tableaux que présente la vie quotidienne. C’est une faculté d’artiste, cette magie d’interprétation, que certaines femmes possèdent par le cœur, comme les écrivains ou les peintres la possèdent par le cerveau. Celles qui sont simples, et c’était le cas d’Henriette, cachent d’habitude leurs impressions de cet ordre avec une pudeur infinie. La chère et craintive créature avait tant aimé Francis de ce qu’il ne riait jamais de ses confidences, comme faisait quelquefois la comtesse, et elle était trop habituée à le voir indulgent pour elle, ému souvent avec elle, pour être étonnée que ce récit le touchât, lui aussi, vivement. Il en demeurait saisi en effet, sans trouver d’autres mots à répéter que : « Pauvre petite !… Pauvre petite !… »

— « N’est-ce pas, » répéta-t-elle, « que c’est une chose qui navre ?… »

— « Oui, qui navre, » répondit-il, et ce mot était pour lui trop cruellement vrai. Après les réflexions qu’il venait de s’enfoncer, de se retourner dans le cœur durant la matinée, la nouvelle seule d’une rencontre entre sa fiancée et la petite fille l’eût certes bouleversé. Mais qu’en lui disant