Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/161

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promenades d’où elle revenait toujours un peu mieux portante ? Francis lui donna d’ailleurs cette explication dès qu’ils eurent deux minutes à eux. Il n’appréhendait rien tant que l’éclosion du soupçon dans ce cœur innocent. Il allait éprouver, à trop de reprises, dans la coupable voie où il s’engageait, combien il est à la fois difficile et facile d’abuser une femme qui aime, — difficile, parce que rien ne lui échappe ; et facile, parce que les plus déraisonnables prétextes lui paraissent vrais, venant de celui qu’elle aime, jusqu’au jour où elle découvre avec désespoir qu’il lui a menti une fois, et alors quelle agonie ! Pour le moment, si Francis eut de nouveau honte devant sa candide fiancée, cette honte n’empêcha pas qu’une fièvre d’impatience ne l’envahît, à l’idée de sa liberté d’action assurée pour le lendemain matin. Pourvu que cette ruse avilissante ne lui fût pas du moins inutile ? Pourvu que la petite fille se trouvât en effet dans le jardin et qu’elle s’y trouvât seule ? Sa nuit se passa dans cette préoccupation, il faut bien le dire, et non pas dans le remords. Nous nous pardonnons très vite les compromis de conscience grâce auxquels nous satisfaisons nos passions en épargnant des chagrins autour de nous. Le sophisme est si tentant qui déguise en devoirs certains mensonges, lorsque la vérité serait trop cruelle, — et puis une heure arrive toujours où nous reconnaissons que cette