Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/180

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cordons de lumière marquaient la place où dormait la ville, baignée, comme la blanche mer là-bas, comme les montagnes bleues, comme la vallée ténébreuse, par une lune à demi pleine et dont le croissant s’achevait en cercle avec une mince et brillante ligne d’or. Cette lumière de la lune mettait au ciel la douceur de son profond reflet. Elle en nuançait le velours sombre et violet où les diamants des étoiles brillaient d’un feu plus large, et, tout près du promeneur, elle dessinait les formes confuses des grands aloès dentelés, des cactus rongés par la dent des bestiaux, des oliviers frémissants et grisâtres, des orangers immobiles et noirs. Un infini silence enveloppait ce paysage de songe qui frappa le jeune homme à cette minute, comme eût fait l’entrée dans cette cathédrale dont la masse imposante surplombait derrière lui la pointe de la colline. Le fait d’avoir donné la vie agite les plus égoïstes d’un étrange frisson. Mais chez beaucoup ce premier saisissement est suivi d’un retour de cet égoïsme, et ils ne veulent plus penser à l’enfant qui dérangerait les combinaisons de leur existence. Ils y parviennent vite. Chez d’autres, l’éveil de la paternité n’a pas lieu tout de suite, et un enfant qu’ils ne connaissent pas, fût-il bien certainement le leur, ne les intéresse qu’à demi Il en est, au contraire, que cette idée d’une existence issue de leur existence, d’une créature