Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/22

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celui d’Amiel, cet Hamlet intellectuel qui ne put jamais prendre parti même vis-à-vis de ses propres facultés. Mais d’autres exemples, moins souvent cités, ne serviraient-ils pas à prouver la thèse exactement contraire, à savoir que l’analyse a été chez des personnages beaucoup plus significatifs encore que l’auteur du Journal Intime une multiplicatrice d’énergie ? Ouvrez le premier volume des Mémoires de Mme de Rémusat et lisez ces lignes : « Les habitudes géométriques de son esprit l’ont toujours porté à analyser jusqu’à ses émotions. Il est l’homme qui a le plus médité sur les pourquoi qui régissent les actions humaines… Pour tirer parti de son caractère, il semblait quelquefois qu’il n’eût pas craint de le soumettre à la plus exacte analyse… Quand on veut essayer de le peindre, il faudrait employer les formes analytiques pour lesquelles il a tant de goût… » À propos de qui cette femme si clairvoyante est-elle amenée à prononcer trois fois en six pages le mot d’analyse, sinon de Bonaparte, c’est-à-dire du plus volontaire des hommes du siècle et peut-être de tous les siècles ? Voilà qui donne un démenti bien inattendu à la théorie du grand hésitant de Genève sur les conséquences paralysantes de cette faculté souveraine. Un autre, et non moins frappant, a été donné par Stendhal. C’est, je crois, M. Jules Lemaître qui a remarqué, très justement,