Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/231

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souffrir. Il n’avait plus la force de marcher dans le droit et simple chemin, et il s’en justifiait, comme nous nous justifions tous, avec cette excuse du moins qu’il était pris entre deux des plus puissants sentiments du cœur de l’homme, et qui ne s’excluent pas l’un l’autre : la paternité et l’amour. Et il continuait de caresser le projet chimérique qui devait lui permettre de les satisfaire tous les deux. Il se demandait ce que penserait Mme Raffraye quand elle saurait qu’Adèle avait causé durant cette soirée avec Henriette. Il s’était à ce point livré aux folies de sa vision d’avenir, que ce lui fut comme le sursaut d’un réveil de se dire : « Pauline a déjà refusé de me répondre. Elle a interdit à ses femmes de chambre de dîner à la même table que les domestiques de Mme Scilly. Elle ne veut aucune espèce de rapport avec nous. Elle défendra à la bonne de laisser la petite nous parler. » — Il disait déjà « nous, » en pensant aux relations possibles avec Adèle ! — « Et puis, » ajouta-t-il, « si elle accepte de faire la connaissance de Mme Scilly et si elle raconte, même sans mauvais calcul, qu’elle a été l’amie de ma sœur ?… » Ces réflexions, la longue suite de ces rêveries, l’angoisse de perdre l’unique occasion qu’il eût de mieux revoir la petite fille, le désir de prouver à son ancienne maîtresse que sa rancune n’existait plus, les mille sentiments confus enfin qui l’agitaient se résolurent