Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/251

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correspondance éprouvait-elle, sans qu’elle s’en rendît compte, le contre-coup immédiat des moindres émotions que subissait sa mère ? Cette dernière la comparait souvent à ces larges anémones violettes qu’elle affectionnait entre toutes et dont elle avait un bouquet auprès de sa lampe en ce moment encore, frêles et vivantes fleurs ouvertes ou refermées selon que le soleil les enveloppe ou les abandonne. Elle était, elle, la lumière dont s’épanouissait son enfant. Sauf ce petit tremblement quasi imperceptible de la voix, rien n’avait trahi son déplaisir. Sa main avait continué de boucler les cheveux de la petite, sa bouche de lui sourire, ses yeux de la regarder avec leur tendresse accoutumée, et Adèle avait deviné que cette conversation avec sa voisine durant la fête d’en bas causait à la malade une contrariété profonde. Elle continuait cependant :

— « Et puis elle m’a parlé de Molamboz et de notre arbre de Noël, l’année passée, et puis de Françoise et d’Annette, et puis nous avons parlé de sa mère, à elle, qui était là. Elle m’a raconté qu’en deux mois Palerme l’avait guérie… » Elle se tut. Sa délicatesse lui faisait craindre d’en dire plus long, car le souvenir de son père — de celui qu’elle croyait son père — lui paraissait, dans ses timides divinations d’enfant trop tendre, devoir être de nouveau pénible à sa chère malade. Elle était trop franche cependant pour mentir, et