Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/278

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parole égale à cette soif d’air, angoisse horrible des commencements d’asphyxie. Quoiqu’il ne doutât pas que la petite Adèle ne fût sa fille, un impérieux besoin le consumait de se le faire dire par celle qui, seule, le savait absolument, et peut-être cet autre besoin contradictoire d’infliger à cette femme, dont il n’avait jamais vaincu l’orgueil, l’aveu des anciennes trahisons. Et puis, qui sait ? À voir combien il était sincère, quel dévouement il apportait à la petite fille, combien discret, combien résigné à l’effacement, la mère ne se laisserait-elle pas toucher ? Or voici qu’il sortait de cet entretien, blessé, lui, d’une nouvelle blessure. Voici que cette porte de la chambre de Pauline se refermait sur une évidence plus douloureuse que celle de l’autre jour, lorsqu’il était venu dans le jardin regarder Adèle et qu’une ressemblance aussi effrayante qu’inattendue lui avait arraché ce cri intérieur : « C’est ma fille !… » Certes, il avait alors senti comme un poids de fatalité s’abattre sur lui, mais sa conscience ne lui avait rien reproché. Il avait eu, il s’était cru du moins le droit de rejeter sur sa perfide maîtresse l’entière responsabilité de l’abandon où il avait laissé leur enfant. Si, au contraire, Pauline était réellement innocente, s’il l’avait accusée, jugée, exécutée en se trompant, qu’était-il lui-même ? Quelle besogne de bourreau accomplissait-il depuis tant d’années, avec cette excuse sans doute