Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/317

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— « Que faut-il que je vous explique ? » dit Francis d’une voix presque éteinte, et il ajouta : « Interrogez-moi, » avec un trouble trop significatif pour que la jeune fille ne sentît pas se briser du coup l’élan passionné qui l’avait soulevée vers l’espérance d’un complet renouveau de leur intimité.

— « Comme vous venez encore de me parler autrement ! » dit-elle. « Puisque vous m’aimez, ne pouviez-vous m’épargner cette douleur de vous questionner ?… C’est si dur d’avoir l’air de se défier… » Et, mettant à ce discours une énergie où se révélait la force de caractère que les êtres très droits trouvent toujours à leur service dans les moments difficiles : « Mais c’est vrai que je me suis défiée. J’ai passé la journée d’hier à vous regarder comme je ne vous avais jamais regardé, tant cette idée que vous n’étiez pas sincère avec moi me bouleversait ! Vous m’aviez quittée si mal ce vendredi. Vous étiez rentré si tard avec un visage… qui mentait… » Sa voix se fit forte pour prononcer le mot terrible et pour continuer : « Ah ! pardonnez-moi, il faut que je vous dise tout ce que j’ai là, toutes les misères auxquelles cette impression m’a entraînée… Tout d’un coup maman a parlé devant vous de notre voisine d’en haut…, de cette Mme Raffraye, la mère de notre adorable petite amie. J’ai cru vous voir tressaillir. Vous savez, j’étais dans une de ces dispositions où