Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/322

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bon Dieu, » s’écria-t-elle en serrant ses mains l’une contre l’autre dans un geste de désespoir, « faites-moi la grâce que je ne devienne pas jalouse… C’est trop honteux… »

— « Dominez-vous, Henriette, » interrompit le jeune homme avec épouvante, « je vous en supplie. J’entends votre mère qui ouvre la porte. Je ferai tout mon possible pour vous parler, je vous le promets… Mais, par grâce, pas devant elle !… »

Ce coupable cri par lequel il invitait la jeune fille à se cacher de sa mère, fut la dernière lâcheté que Francis devait avoir à se reprocher. Il faut dire, à son excuse, qu’il était physiquement et moralement à bout de forces et qu’il se sentait incapable de repousser en ce moment l’inquisition de la comtesse ajoutée à celle d’Henriette. Il ne s’était pas trompé, c’était bien Mme Scilly qui entrait, tenant à la main une lettre qu’elle venait d’écrire. Elle croyait Francis et sa fille retirés chacun dans sa chambre, comme c’était l’habitude, presque la règle de leur intimité à cet instant de la journée. Elle demeura donc surprise de les trouver silencieux en face l’un de l’autre, visiblement gênés par elle, et haletants sous l’émotion de leur entretien brisé. Elle n’avait pas entendu leurs dernières paroles, mais leur attitude suffisait pour lui faire comprendre qu’elle arrivait au milieu d’une scène. Et quel motif avait pu la