Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/339

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semaines, quand j’ai constaté que tous ces mensonges, tous ces débats intérieurs, toutes ces luttes n’avaient pas empêché la rencontre fatale et irréparable entre mon présent et mon passé, entre ma chère fiancée et celle que vous appelés si bien la malheureuse, alors j’ai perdu la force de me défendre davantage… J’ai encore eu le courage, par dernière honnêteté, de ne pas mentir tout en refusant de répondre… Ah ! madame, aidez-moi. Maintenant que vous savez toutes mes fautes et toutes mes douleurs, que votre génie de mère empêche du moins que le contre-coup n’arrive jusqu’à Henriette !… »

— « Hélas ! est-ce que je le peux ? » répondit Mme Scilly avec un véritable désespoir, elle aussi. « Quand elle m’interrogera, que trouverai-je à lui répondre ? Et vous n’avez pas compris cela, que votre premier devoir, dans une pareille situation, était justement de tout faire pour que votre fiancée l’ignorât, que moi seule j’avais qualité pour vous y aider… Seigneur ! Que vous êtes coupable ! Ah ! ma pauvre, ma pauvre enfant !… »

Tandis qu’elle traduisait par ces mots entrecoupés, — elle si décidée d’ordinaire, si maîtresse d’elle-même et si énergique quand il s’agissait des choses essentielles, — le bouleversement où l’avait jetée cette atroce et si soudaine confession, elle vit que la physionomie de Francis se décomposait, que ses yeux devenaient fixes et que de