Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/341

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pourtant dans la réalité, qu’une certaine phrase vous tue d’un coup, aussi sûrement qu’une balle de pistolet ou qu’une pointe de poignard. Enfin, la pauvre mère fut la plus courageuse. Elle dit : « J’y vais, » et elle marcha vers cette porte. Elle la tira d’une main qui tremblait, comme si elle avait eu quatre-vingts ans, et elle vit l’image de la douleur, de l’épouvante, presque de la folie, dans la jeune fille qui se tenait appuyée contre le mur, comme paralysée d’horreur, incapable de bouger, de parler, les yeux hagards et fixes, la bouche ouverte. La mère jeta un cri et, la saisissant dans ses bras, elle l’emporta dans sa chambre avec une force soudain revenue et décuplée par l’amour. Au premier moment, le jeune homme n’essaya pas de les suivre. Il était lui-même comme rendu insensible par l’excès de son anxiété. Il entendit des bruits de sonnette, des portes ouvertes puis fermées, des pas rapides. Il ne reprit la pleine conscience de ce qui se passait qu’en voyant entrer dans le salon la femme de chambre affolée et qui cherchait un flacon de sels. Il demanda :

— « Que se passe-t-il ?… »

— « Mademoiselle est bien souffrante et Vincent vient de courir chez le médecin, » lui répondit-on.

Dieu juste !… Elle n’était pas morte !