Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/359

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celle que Francis avait résumée en quelques phrases, trop lucides pour laisser place au doute, et cependant trop chargées de signification cachée pour que la pensée d’Henriette ne reculât pas d’épouvante. Ce qui ajoutait à cette épouvante, c’était le souvenir du cri de douleur par lequel sa mère avait répondu à la confession de Francis : « Si elle m’interroge, que lui répondrai-je ?… » Ce gémissement de Mme Scilly poursuivait la jeune fille. Elle en était à ce point où l’on ne peut physiquement supporter l’idée que ceux qui nous entourent nous mentent pour nous ménager. Et cependant, à qui s’adresser pour comprendre tout à fait cette horrible confidence qu’elle avait surprise, sinon à cette loyale et bonne mère qu’elle voyait, par cette matinée de brumes, assise silencieusement à côté de son lit ? Un tel silence était rempli de cette tendresse dont Henriette avait eu d’innombrables preuves. N’en était-ce pas une de plus que ce respect de sa douleur, que cette pitié caressante qui l’enveloppait sans vouloir toucher à aucun des points meurtris de son être ? Et voici que la comtesse vit avec une indicible émotion ces yeux bleus, dont la muette détresse l’effrayait tant, se tourner vers elle avec une expression qu’elle n’y avait plus retrouvée depuis la veille. Elle ne s’y méprit pas une minute : la subite rougeur revenue sur ce visage tourmenté annonçait que ce cœur comme noué