Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/382

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pour lesquelles elle s’était tant réjouie des fiançailles qui écartaient définitivement cette perspective toujours redoutée de l’entrée au couvent. Quelle mère, à moins d’appartenir à cette tribu sacrée où se recrutent les Monique, a jamais donné sa fille à Dieu, même quand elle croit absolument, sans la lui disputer par une invincible révolte de la tendresse humaine ? Mais comment la comtesse aurait-elle retrouvé ses craintes de jadis en entendant s’échapper de la poitrine étouffée de son enfant ce cri de doute, presque de blasphème, arraché par la douleur ? Elle n’avait donc pas hésité à toucher, pour la première fois, au ressort de l’émotion religieuse, si puissant dans cette nature. Elle ne comprit pas quel danger il y avait à diriger de ce côté, dans un pareil moment, les brûlantes énergies de cette âme romanesque, soudain bouleversée dans ce qui faisait depuis dix mois l’axe de son existence morale. Quand elle eut parlé, au contraire, elle se félicita tout bas de voir l’effet immédiat qu’avait produit sur ce cœur malade cet appel au seul sentiment qui pût lutter contre un tel chagrin d’amour blessé. Elle voulut augmenter cette impression en joignant l’acte aux paroles, et elle fit ce que sa fille faisait chaque soir auprès de son lit à elle, depuis des années. Elle s’agenouilla et elle dit à haute voix la sublime prière dont elle avait rappelé le début, puis la Salutation angélique, et