Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/384

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qu’elle ne perdit pas de vue un seul des mouvements, une seule des expressions de physionomie de sa fille, ni pendant cette fin de journée, ni le lendemain qu’Henriette put passer hors de son lit. Quoique le docteur eût diagnostiqué une disparition définitive de fièvre, et quoique toutes les phrases de la jeune fille, comme toute sa personne, respirassent une espèce de sérénité, la mère continuait d’avoir peur devant cette flamme allumée dans l’arrière-fond de ces yeux, et devant cette sensation d’inexplicable contre laquelle elle se heurtait d’autant plus qu’ayant voulu reparler de Francis, le soir de ce second jour, elle n’avait obtenu que des paroles évasives :

— « Je vous en conjure, maman, ne touchons pas à ce sujet. Vous m’avez demandé de vous donner une réponse réfléchie. Quand ma résolution sera prise, je vous la dirai ; mais d’en reparler maintenant, ce serait trop risquer de m’enlever ce calme que vous m’avez rendu… »

Mme Scilly n’osa pas dire que c’était précisément ce calme qui l’effrayait et l’étrange soudaineté d’une volte-face qu’elle n’avait ni espérée si complète, ni redoutée si mystérieuse. Une fois de plus son instinct maternel avait raison, en lui faisant pressentir dans cette âme passionnée une résolution contraire à ce pardon que tout lui faisait désirer. Elle avait appris le déménagement