Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/434

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le désirait. Car ce serait le signe qu’il y avait un moment de répit dans la terrible maladie, et puis son imagination, exaltée dans la solitude, constamment nourrie de la lettre d’Henriette, enveloppée par une atmosphère obsédante de remords et de mysticité, allait jusqu’à concevoir les songes les plus follement, les plus surhumainement romanesques. Oui, malgré les paroles échangées dans leur dernière entrevue, malgré tant d’inexprimables rancunes et d’inguérissables blessures, il concevait la possibilité que son ancienne maîtresse lui pardonnât, qu’elle consentît à l’épouser avant de mourir, pour lui laisser légalement leur fille, et il pourrait aller auprès d’Henriette avec l’enfant, purifié par cette acceptation de l’épreuve, libre enfin de s’abandonner aux tendresses qu’il sentait toujours vivantes en lui. Ah !… Rêves de démence, alors qu’il ne lui était même pas permis de se montrer sur le passage de son enfant, de peur que Pauline ne sût cette rencontre et ne lui interdit jusqu’à cette pauvre caresse du regard, cette joie dernière, cette pâture chétive et passionnée de sa paternité…

Le bateau s’éloignait toujours… La plaintive mer s’assombrissait davantage, et Francis revivait en pensée les deux toutes dernières semaines. Il se revoyait rencontrant un jour devant la porte de