Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/64

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subtiles du cœur de son frère, celles qu’il pouvait lui dire. À partir de ce moment, ces lettres furent pleines de Pauline, comme dans les conversations de Julie avec Pauline sans cesse il était question de Francis. Le hasard redoubla la curiosité que Mme Raffraye et Nayrac devaient naturellement ressentir l’un pour l’autre. Lors des deux voyages que le jeune homme fit à Paris, après que sa sœur fut devenue l’amie préférée de Pauline, cette dernière était absente. Puis une circonstance qui eût suffi à troubler deux êtres absolument indifférents les rapprocha. Mme Archambault fut emportée en quelques jours par une fièvre typhoïde, et dans cette chambre d’agonisante, Francis, revenu d’Allemagne en toute hâte, aperçut pour la première fois la svelte silhouette de Pauline, ses cheveux châtains, son beau visage un peu trop pâle, mais animé par des yeux clairs presque gris, d’une si attirante tristesse. De tous temps les poètes se sont accordés avec les physiologistes pour marquer le lien mystérieux qui unit les émotions de la mort à celles de l’amour. Est-il besoin de faire appel aux énigmatiques puissances de la nature pour constater que chez les femmes vraiment tendres le plus dangereux auxiliaire de la chute est la pitié, comme le désespoir d’une perte irréparable est pour l’homme le plus compliqué un irrésistible conseiller d’éloquence simple ? Francis et Pauline