Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/106

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son frère sur une chaise basse, et câlinement : « Tu te lèveras plus tard… Françoise va t’apporter ton café. J’avais bien calculé que tu te réveillerais vers les dix heures… J’achevais de le moudre juste quand tu as cogné. Tu l’auras tout frais… » Comme l’Auvergnate entrait, tenant entre ses grosses mains rougeaudes le petit plateau de porcelaine : « Je vais te servir, » continua Émilie ; « Fresneau s’est chargé de prendre Constant à la pension… Nous avons tout le temps, dis-moi tout… » Et René dut reprendre le récit de ses sensations de la veille, sans en rien omettre.— « Que disait Claude Larcher ? » demandait sa sœur. « Comment était la cour de l’hôtel ? Comment l’antichambre ? Comment la robe de la comtesse ? … » Et elle riait des métaphores fantastiques de madame de Sermoises. Elle s’écriait : « Quelle chipie ! … » en écoutant l’épigramme de la femme du confrère ; elle se moquait de l’ignorance de la jolie madame Éthorel ; elle s’indignait contre la cruauté de Colette ; et quand le poète se mit à lui décrire le gracieux profil de madame Moraines et à lui rapporter leur causerie à la table du souper, elle aurait voulu pouvoir dire merci à la femme exquise, qui, du premier coup d’œil, avait su distinguer ainsi son René. L’habitude qu’elle avait prise, depuis des années, de vivre uniquement par la