Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/148

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cour, la porte en face, et au second. » Il gravit les marches d’un perron, puis s’engagea dans la cage d’un escalier de bois que garnissait un tapis à nuances douces. L’atmosphère de cet escalier était tiède, comme celle d’une chambre. Des plantes vertes, de-ci de-là, tordaient leur feuillage qu’éclairait le gaz allumé déjà. Des chaises étaient placées à chaque tournant de palier, sur lesquelles le jeune homme s’assit à deux reprises. Ses jambes tremblaient. S’il avait pu se faire illusion jusque-là sur le genre d’intérêt qui l’entraînait du côté de madame Moraines, il devait comprendre, à constater le trouble nerveux où le jetait l’approche de cette femme, que cet intérêt n’avait rien de commun avec la simple curiosité. Il agissait cependant, comme en un songe. C’est ainsi qu’il pressa sur le timbre de la porte, qu’il écouta le domestique approcher, qu’il lui parla, et, avant qu’il eût pu reprendre ses esprits, il entrait, conduit par cet homme, dans le petit salon où se tenait la dangereuse personne dont il subissait à ce point le charme ensorceleur, sans rien connaître d’elle que sa beauté.— Hélas ! Cette beauté n’est si souvent qu’un mensonge, pire que les autres, quand on veut apercevoir en elle autre chose qu’une ligne, un contour, une apparence ! …— René aurait, dans sa fantaisie, dessiné un cadre à cette